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4. septembre 2023

Partenariat CHUV-Unil

Histoire des premières femmes médecins

Femmes médecins pionnières: projet de recherche financé par le FNS

L'Institut des humanités en médecine CHUV-Unil mène un travail de recherche visant à revaloriser des parcours de femmes médecins en Suisse.

Dès les années 1860, la Suisse et la France ont été les premiers pays au monde à ouvrir les portes de leurs universités aux femmes. S’il est relativement connu que ces deux nations voisines ont joué un rôle crucial dans l’essor d’une médecine portée par les femmes sur le plan international, on en sait paradoxalement moins sur l’influence que cette féminisation a eue au niveau local.

Historienne de la médecine à l’Institut des humanités en médecine CHUV-UNIL, la Dre Aude Fauvel examinera ce pan méconnu de l’histoire suisse avec son projet de recherche soutenu par le FNS à hauteur de 870’000 francs intitulé: «La médecine féminine. Une histoire des premières femmes médecins et de leur contribution à l’innovation médicale entre la Suisse francophone et la France, 1867-1939» (abrégé MEDIF). Le projet qui démarre ce 1er septembre 2023 pour une durée de quatre ans est co-dirigé par le Professeur Rémy Amouroux (UNIL) et mené par une équipe de 3 personnes.

En 1906 déjà, 70% des étudiant-e-s en médecine étaient des femmes en Suisse

«La quasi-totalité des premières femmes médecins au monde avant la Première guerre mondiale ont été formées prioritairement en Suisse, puis en France, explique la Dre Aude Fauvel. À la fin du 19e siècle, les femmes ont voulu s’inscrire en médecine, car elles pensaient qu’elles y seraient mieux acceptées. Dans les préjugés de l’époque, il était en effet considéré que c’était dans leur nature de prendre soin des autres. Mais les femmes se sont trompées, les universités les ont rejetées sauf en Suisse et en France.»

Le terme de médecine féminine émerge à ce moment: face à des pays comme l’Allemagne qui s’oppose à accueillir des étudiantes sous prétexte que les femmes n’ont pas les capacités nécessaires, la Suisse et la France s’enorgueillissent à la Belle Epoque d’être des nations «féministes». En 1906, les facultés médicales helvétiques comptent près de 70% de femmes. La Suisse accueille alors plus d’étudiantes en médecine que l’intégralité du reste de l’Europe. Tout change cependant durant l’entre-deux-guerres, puis la tendance s’inverse.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Facultés de médecine suisses ont perdu leur avance, les femmes n’y sont, désormais, ni plus nombreuses ni mieux traitées qu’ailleurs.

Invisibilisation des pionnières en chirurgie et ophtalmologie

Le projet MEDIF a pour objectif d’analyser la contribution des femmes médecins à l’innovation en santé. «Les premières femmes médecins ont contribué à renouveler la vision qu’on avait alors du sexe faible. Des manuels de santé écrits par et pour les femmes parlant du corps et de la sexualité sont publiés et connaissent un réel succès à l’époque», souligne la Dre Fauvel.

Leur apport dans les domaines de l’ophtalmologie et la chirurgie, notamment, est également peu connu. Un réseau très actif de femmes ophtalmologues s’est établi entre la Suisse et la France au début du 20e siècle. «Pourtant, bien que Jules Gonin, entre autres, ait reconnu leur rôle clé pour le développement de l’ophtalmologie contemporaine, elles sont aujourd’hui oubliées», note Aude Fauvel.

Peu de gens savent que la toute première femme urologue au monde, Vera Guedroytz de Beloseroff, a été une disciple de César Roux. Et ce ne sont là encore que quelques exemples: l’ensemble des contributions apportées par les femmes à la chirurgie et à la médecine reste à découvrir.

Dre Aude Fauvel, historienne de la médecine

Une partie du projet MEDIF sera ainsi dédiée à la construction de bases de données, sachant qu’un phénomène d’«invisibilisation» rend difficile de suivre les parcours des premières femmes médecins. «Les femmes n’ont souvent pas eu la possibilité de déposer des archives. Beaucoup d’entre elles se sont aussi mariées ou ont publié sous des pseudonymes, changeant ainsi de nom ce qui complexifie encore la recherche. Il était par ailleurs pratiquement impossible pour les femmes médecins, une fois leur diplôme obtenu, de trouver une place dans un hôpital public. Elle se sont tournées vers des réseaux privés, plus confidentiels», relève l’historienne Aude Fauvel.

Photo de titre: Cours d’anatomie à l’École de médecine de Lausanne en 1902 dans lequel les étudiantes représentent la moitié des effectifs (sans les préparateurs, en tabliers et les professeurs en haut à droite). Crédits photo: Bibliothèque de l’Institut des humanités en médecine CHUV-UNIL

   

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