Le fait que la population vive plus longtemps en bonne santé est évidemment une bonne nouvelle. Cette évolution représente cependant un défi pour notre système de soins, qui doit être en mesure de délivrer un nombre croissant de prestations de qualité, en assumant les coûts supplémentaires que cela engendre. En ce qui concerne les aîné·e·s les plus fragiles, cette évolution nous impose d’adapter le nombre et la capacité des infrastructures. Au-delà de ces adaptations, il me semble qu’il nous faut changer de paradigme. Nous devons davantage axer nos efforts sur la prévention et l’accompagnement du parcours de vie des personnes de plus de 65 ans, afin de préserver leur capital santé et de ralentir l’apparition des morbidités multiples qui affectent leur qualité de vie et font exploser les coûts de la santé.
Genève dispose de 54 EMS. Il est certain qu’avec l’augmentation de la population et l’allongement de l’espérance de vie, ces structures seront mises sous pression et sont appelées à se développer. Je crois qu’il faut innover dans la manière d’appréhender les prestations pour cette catégorie de la population. En développant des prises en charge plus rapides et un meilleur suivi, il est possible d’éviter les hospitalisations. A Genève, quelque 200 personnes âgées occupent des lits de maintien à l’hôpital alors qu’elles devraient être en EMS ou dans d’autres structures de suivi, ce qui engorge le système hospitalier et crée des blocages.
Afin d’éviter les hospitalisations, la mission de l’IMAD – l’Institution genevoise de maintien à domicile – est essentielle. L’année dernière, 17851 patient·e·s ont bénéficié de ses prestations de soins, d’aide et d’accompagnement, favorisant leur maintien à domicile et la préservation de leur autonomie. Cela représente 8400 prestations délivrées quotidiennement et plus d’un million d’heures de soins. Cette institution majeure jouera assurément un rôle clé dans la nouvelle planification sanitaire du canton et notamment dans la gestion des urgences ambulatoires et la prévention secondaire et tertiaire. Tout comme les HUG avec l’excellence de leur département de réadaptation et de gériatrie.
J’aimerais que l’on puisse tenir compte du souhait de chacun·e: certaines personnes veulent continuer à vivre chez elles, d’autres peuvent vouloir rejoindre un EMS ou du moins un habitat assisté. La volonté de rester indépendant·e et de tisser du lien social concourent aussi à choisir l’une ou l’autre des options. Il n’existe pas une seule manière de vieillir. Et il y a des problématiques de plus en plus complexes (comme les troubles comportementaux, les situations de handicap, les addictions, etc.) auxquelles on doit répondre avec de nouveaux EMS spécialisés.
À nouveau, je pense que nous devons modifier notre manière d’appréhender le vieillissement, en agissant en amont. On sait par exemple que l’on peut mesurer – et corriger – le risque de développer une maladie cardiovasculaire dès 40 ans. La promotion de la santé, à tout âge, est une manière d’assurer une meilleure qualité de vie au fil des ans.
Effectivement, la santé mentale est une préoccupation majeure de santé publique. J’aimerais citer le programme de détection de la démence et de la maladie d’Alzheimer du professeur Giovanni Frisoni, dans lequel le canton de Genève investit plus de trois millions de francs en quatre ans. Dans une optique de promotion de la santé, nous allons aussi investir dans la politique de prévention des maladies cardiovasculaires et la santé mentale de la population après la retraite. Il est par ailleurs capital de veiller au maintien des liens sociaux pour prévenir l’isolement. Il faut assurer un soutien psychologique pour aborder des questions comme l’anxiété ou la dépression, dont souffre une partie non négligeable des personnes âgées.
C’est une question de choix de société. Est-ce qu’on aura besoin de plus de moyens pour la santé? Indéniablement oui. On a la chance pour l’instant d’être dans un canton riche avec un Etat fort. En tant qu’homme politique de racines radicales, je m’en réjouis, mais est-ce qu’on aura toujours les moyens suffisants? Personne ne peut l’affirmer avec certitude. C’est la raison pour laquelle, et parce que je crois au rôle de l’Etat pour la justice sociale, il est fondamental de mettre en place des mesures qui visent à contenir, voire à réduire les coûts tout en maintenant la qualité du système de santé. Cela passe par le développement des réseaux de soins intégrés mais aussi, comme je l’ai dit, par la prévention et le soutien à la recherche en biomédecine prédictive. C’est à ces conditions que nous pourrons répondre efficacement aux défis du vieillissement de la population.
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