Esther Friedli (EF): Aujourd’hui, les cantons financent principalement les soins en milieu hospitalier, tandis que les caisses d’assurance-maladie financent les soins ambulatoires via les primes. Cela crée des incitations inappropriées qu’il est urgent de corriger. Un financement uniforme (EFAS) permet un financement harmonisé, de sorte qu’il ne soit plus question de savoir qui paie quelles prestations, mais plutôt de se concentrer sur la qualité des soins et la santé des patient∙e∙s.
Ursula Zybach (UZ): En matière de soins, le financement est actuellement très inégal, dépendant du canton ou de la commune où la personne assurée réside. Les assureurs poussent souvent à une admission en maison de retraite, car cela leur semble plus rentable que des soins ambulatoires à domicile avec Spitex. Cela conduit à des admissions précoces en maison de retraite, ce qui coûte cher au système dans son ensemble et ne constitue pas la meilleure solution pour les patient∙e∙s. En revanche, si les financeurs ne prennent plus en compte le lieu où les soins sont prodigués, une décision optimale peut être prise en fonction de la santé et de la qualité de vie pour les patient∙e∙s.
UZ: Le financement uniforme encourage le transfert des soins vers des secteurs moins coûteux, ce qui permettra de freiner les coûts du système de santé. La forme de traitement sera choisie dans le seul intérêt des patient∙e∙s. Les payeurs de primes en bénéficient, car d’une part, la forme de soins la moins chère sera favorisée et, d’autre part, les cantons participeront à toutes les prestations. De plus, cette mesure favorise la coordination entre les prestataires de soins.
EF: Je trouve important de souligner qu’EFAS renforce également le rôle des médecins de famille, qui pourront désormais faire des recommandations plus librement et dans l’intérêt des patient∙e∙s grâce à l’intégration accrue des soins.
EF: Nous avons pu trouver une solution transpartisane, en collaboration avec les prestataires de soins, les cantons et les assureurs, ce qui prouve que la politique est capable de réformer le système de santé. Le Conseil des États a largement soutenu cette initiative, notamment parce que les cantons y ont été bien intégrés.
UZ: Au Conseil national, les parlementaires spécialisé∙e∙s en santé se sont particulièrement mobilisé∙e∙s. Selon moi, c’est l’implication des soins infirmiers et donc le soutien des cantons qui a permis de faire avancer cette initiative.
Les cantons contribueront désormais aussi au secteur ambulatoire, qui représente environ 23 milliards par rapport aux 6 milliards des soins de longue durée. Cet aspect est peu évoqué dans le débat sur le financement uniforme.
EF: Et bien que les coûts des soins de longue durée augmenteront à l’avenir en raison du vieillissement démographique, ce poste de dépense restera sans commune mesure avec le secteur ambulatoire. Avec EFAS, notre objectif est justement de permettre aux personnes âgées de vivre plus longtemps à domicile, avec l’aide de Spitex si nécessaire. Cela permettra de freiner l’augmentation des coûts des soins de longue durée, contrairement aux prévisions actuelles. Les arguments des opposant∙e∙s me semblent ici peu cohérents.
UZ: Grâce aux progrès de la médecine, les opérations peuvent aujourd’hui être réalisées de manière bien moins invasive. Les soins ambulatoires soulagent les payeurs de primes, car ils sont plus confortables et moins coûteux.
EF: Un nombre accru de soins ambulatoires, moins coûteux, aura un effet modérateur sur les primes. En Suisse, nous pratiquons encore un nombre élevé d’interventions en milieu hospitalier par rapport aux normes internationales. Il y a donc un potentiel pour davantage de soins ambulatoires, bien que toutes les interventions ne puissent pas être réalisées ainsi.
UZ: Selon les estimations, cette réforme pourrait permettre d’économiser 440 millions de francs par an, en fonction de l’ampleur du transfert des soins hospitaliers vers les soins ambulatoires.
EF: Les cantons seront désormais impliqués différemment dans le financement. Le passage des soins hospitaliers aux soins ambulatoires est une tendance qui existe déjà depuis un certain temps.
Cela permet une meilleure intégration des cantons dans le système global. Par ailleurs, les cantons ont demandé à pouvoir accéder aux données en plus de contribuer financièrement, ce qui renforce la collaboration avec les assureurs.
UZ: Dans le domaine des soins de longue durée, il y aura enfin un tarif dédié, ce qui mettra les soignant∙e∙s de longue durée sur un pied d’égalité avec les autres prestataires de soins. Par ailleurs, si les hospitalisations inutiles diminuent, le personnel des soins de courte durée pourra être utilisé de manière plus ciblée. Des ressources seront disponibles pour les patient∙e∙s qui ont vraiment besoin de soins hospitaliers, de nuit comme de jour. Les horaires de travail dans les services ambulatoires sont plus agréables, et les conditions de travail s’améliorent globalement. L’ambulatoire contribue donc en général à alléger la charge du personnel soignant.
Photo de titre: Spitex Schweiz/KEYSTONE/Gaëtan Bally