Dans une salle de physiothérapie de l’Hôpital du Locle, deux étranges machines bleues attirent l’attention. Ni vélos d’appartement, ni fauteuils de massage, ces robots en position assise mobilisent les jambes de patient·e·s engagé·e·s dans une rééducation ciblée. Depuis deux ans, le site du RHNe fait partie des premiers à avoir adopté le robot Lambda, un dispositif développé par la start-up Lambda Health. Objectif: améliorer la neuroréhabilitation et la prise en charge gériatrique tout en allégeant la charge des physiothérapeutes. «Nous avons voulu créer un robot simple, efficace et accessible», explique Yannick Charrotton, CEO et cofondateur de Lambda Health.
Avant nous, les robots de rééducation coûtaient très cher. Notre ambition était de démocratiser cet outil.
Yannick Charrotton, CEO et cofondateur de Lambda Health
Assis·e face à un écran incurvé, la·le patient·e suit ses performances en temps réel, tout en jouant à des petits jeux interactifs. L’objectif? Rendre les exercices ludiques et éviter l’ennui propre aux machines de musculation classiques. «Sur 30 minutes de séance, on comptabilise 23 minutes d’exercice actif. C’est un excellent taux», se félicite Yannick Charrotton. Et surtout, la·le patient·e travaille de manière autonome, ce qui permet aux soignant·e·s de suivre plusieurs personnes à la fois, un gain de temps précieux.
L’installation est rapide: le robot mesure automatiquement la morphologie de la·du patient·e et ajuste les réglages. La·le physiothérapeute peut ensuite moduler les paramètres de la séance, créer des listes d’exercices sur mesure, «comme on compose une playlist sur Spotify», sourit le CEO.
Lambda s’adresse à une large palette de patient·e·s: personnes âgées en reconditionnement musculaire, victimes d’AVC, patient·e·s hémiplégiques, atteint·e·s de troubles neurologiques… «Même si le cerveau ne commande plus parfaitement, la machine aide à effectuer le mouvement. Cela permet au système nerveux central de réapprendre certains schémas moteurs.» Le robot s’adapte au rythme de chacun·e, augmentant ou diminuant la difficulté selon les capacités.
L’appareil génère automatiquement des rapports pour suivre les progrès et justifier les traitements auprès des assurances. À 150 000 francs l’unité, le retour sur investissement est jugé très intéressant, d’autant que Lambda est entièrement conçu et fabriqué en Suisse.
Loin de toute automatisation aveugle, Lambda se veut un complément au savoir-faire des professionnel·le·s. «La·le physiothérapeute reste indispensable. Elle·il surveille les signes vitaux, choisit les exercices, adapte les objectifs. Le robot n’est qu’un outil», insiste Yannick Charrotton. À la fin des séances, la plupart des patient·e·s repartent avec le sourire. «Les retours sont très positifs. Les gens apprécient la variété des exercices et le fait de visualiser leurs progrès.»
Tout a commencé par un travail de master réalisé à l’EPFL en 2015 par Aurélien Fauquex, aujourd’hui responsable opérationnel chez Lambda Health. À l’époque, Yannick Charrotton développe la partie logicielle au sein de la HEIG-VD. Le projet séduit rapidement le CHUV, des physiothérapeutes et des chercheur·euse·s, ce qui permet de lancer des essais cliniques dès 2016.
Il nous a fallu cinq ans pour passer de l’idée à la première machine vendue. La certification a été un vrai défi.
Yannick Charrotton, CEO et cofondateur de Lambda Health
Aujourd’hui, Lambda emploie huit personnes. L’entreprise propose des formules de vente variées (achat, leasing, test à durée limitée) pour s’adapter aux réalités du marché, encore très conservateur. Mais les retours sont excellents. «Dans un contexte où chaque franc compte, nous offrons un gain de temps, une traçabilité, une amélioration des remboursements. Ce sont des arguments forts.»
La jeune entreprise yverdonnoise ne compte pas s’arrêter là. «Nous souhaiterions développer une version pour les enfants. Aujourd’hui, Lambda est utilisable dès 1 m 20. Mais le secteur pédiatrique est un public plus restreint, donc moins rentable. Pourtant, c’est un projet qui nous tient à coeur.»
Au-delà de la technologie, Yannick Charrotton garde une ligne directrice claire: «Je ne pourrais pas travailler dans un domaine qui n’a pas de sens pour moi, j’ai besoin qu’il y ait une vocation sociale. C’est très gratifiant de contribuer concrètement à améliorer la vie des gens.»
Photo de titre: Le robot Lambda en action dans les locaux du RHNe, à l’hôpital du Locle (crédit photo: Guillaume Perret).