soins domicile psychiatrie SISP CHUV
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5. décembre 2023

Soins à domicile

Collaboration entre le CHUV et la SISP

Soins à domicile en psychiatrie: l’exemple du canton de Vaud

La Structure intermédiaire de soins psychiatriques (SISP) propose des soins à domicile centrés sur la psychiatrie. Un allié pour le CHUV, qui a réduit drastiquement le nombre de lits dans ce secteur.
Competence Muriel Chavaillaz

auteur

Muriel Chavaillaz

Journaliste de Competence pour la Suisse romande et le Tessin

muriel.chavaillaz@hplus.ch

Fondée en 1987, la Structure intermédiaire de soins psychiatriques (SISP) offre trois services différents: des établissements psychosociaux médicalisés (EPSM), des appartements thérapeutiques ainsi que, dès 2002, des soins à domicile. «Nous nous consacrons à 100% aux patient·e·s souffrant de troubles psychiatriques, note son directeur, Johann Caffaro. À notre ouverture, nous étions le seul organisme à opérer de la sorte en Suisse romande.» Les hôpitaux et les cliniques sont des partenaires importants de la SISP, de même que les cabinets médicaux. «Alors que les hôpitaux gèrent la crise, nous intervenons une fois que celle-ci est passée. Cliniquement, il a été établi que de longues hospitalisations n’étaient pas bénéfiques.»

Les soins à domicile psychiatriques se distinguent du domaine somatique: un soutien plus marqué est souvent nécessaire, il ne suffit pas de passer une fois par jour pour changer un pansement.

Selon le professeur Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie générale au CHUV, cette présence en-dehors de l’hôpital doit encore être renforcée: «Au niveau fédéral, le canton de Vaud est en avance. Cela est notamment dû au fait que nous avons drastiquement réduit le nombre de lits par habitant·e·s. Nous en comptons 50 pour 100000 habitant·e·s, alors que la moyenne suisse est à 95. Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment pour offrir des soins 24 heures sur 24.»

Cery: de 800 à 100 lits

Dans les années 50, l’Hôpital psychiatrique de Cery, rattaché au CHUV, comptait 800 lits. Aujourd’hui, il en comporte une centaine. Se défaire du modèle hospitalo-centré? Une nécessité pour le bien-être des patient·e·s, rappelle le prof. Conus: «Hospitaliser les gens souffrant de troubles psychiatriques est nécessaire parfois, mais n’est pas toujours la meilleure option. Les patient·e·s veulent être dans la communauté, les en extraire peut empirer les cas, créer de la chronicité. Les patient·e·s s’insèrent mieux socialement si elles et ils restent dans leur milieu. Mais pour cela, il faut des soutiens ambulatoires et un changement sociétal pour diminuer la stigmatisation.»

La sortie de l’hôpital est un moment délicat à gérer. Alors que la personne hospitalisée était encadrée 24 heures sur 24, elle se retrouve quelquefois esseulée lors de son retour à domicile.

«La transition n’est jamais évidente, souligne Johann Caffaro. En collaboration avec les patient·e·s, nous mettons en place tout un panel d’outils issus des thérapies comportementales et cognitives (TCC). Ces outils, utilisés pour apprendre à la·au patient·e à détecter et gérer la crise, servent aussi à éviter une réhospitalisation.»

Il serait toutefois utopique de penser que toutes les pathologies peuvent être soignées à domicile. Lorsqu’un retour à l’hôpital survient, la SISP met un point d’honneur à garder le lien avec ses patient·e·s. «Nous le faisons, mais nous ne sommes pas financés pour cela, explique Johann Caffaro. L’OPAS (Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins) prévoit qu’à partir du moment où une personne entre dans une structure hospitalière, c’est à l’hôpital de facturer les soins. Mais, selon moi, il est impératif de maintenir une coordination. Cela permet d’avoir une prise en charge optimale, de raccourcir la durée des hospitalisations.»

Passer le témoin le mieux possible

Même son de cloche du côté de l’hôpital. Le prof. Conus souligne lui aussi le peu de reconnaissance pour le temps dédié à la coordination, qui n’est pas valorisé financièrement. Un travail pourtant énorme, nécessaire et vital. Le CHUV a ainsi établi un Case Management de Transition: «Pendant un mois, des collaborateurs·trices travaillant dans nos équipes mobiles vont suivre les patient·e·s en-dehors de nos murs, pour passer le témoin le mieux possible. Ce travail de coordination, nous le devons aux patient·e·s, il est essentiel pour leur émancipation.»

Illustration: Craftery Co via Canva.com

S’entraider et communiquer

Par manque de temps, l’hôpital ne peut pas toujours soigner au mieux la communication. «Il y a certaines fois des points de friction, observe le directeur de la SISP. Mais cela est totalement normal selon moi: chacune des parties est focalisée sur son travail et cela est obligatoire si nous voulons avoir une action optimale dans les soins qu’il propose à l’ensemble de la population.»

Chacun·e doit prendre ses responsabilités pour améliorer le parcours des patient·e·s: il faut constamment s’entraider et communiquer.

Johann Caffaro, directeur de la SISP

Renforcer les équipes mobiles

Cette tension permanente, le CHUV la doit notamment au manque de foyers capables de prendre en charge des patient·e·s complexes, pointe du doigt le prof. Conus. «Faute de places, elles et ils restent plus longtemps à l’hôpital, observe l’expert. Selon moi, la solution à privilégier, outre la création de davantage de foyers spécialisés, serait mixte: renforcer un peu la capacité hospitalière qui est actuellement trop faible vu qu’il est impossible de fonctionner avec un taux d’occupation constamment à 100%, et surtout renforcer les soins ambulatoires afin de réaliser des traitements intensifs et d’éviter ainsi un certain nombre d’hospitalisations. Au niveau psychiatrique, à l’avenir, il s’agit clairement de renforcer les soins dans le milieu.»

Photo de titre: via Canva.com