jardin CHUV hôpital des enfants
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4. avril 2023

Focus

Nouveaux hôpitaux pédiatriques

Jeunes patient·e·s: une maison plutôt qu’un hôpital

Lausanne et Genève construisent tous deux leur futur hôpital des enfants. Le point sur les différents défis architecturaux qui se posent pour ces projets d’envergure.
Competence Muriel Chavaillaz

auteur

Muriel Chavaillaz

Journaliste de Competence pour la Suisse romande et le Tessin

muriel.chavaillaz@hplus.ch

Il ne reste plus que quelques mois à patienter pour les Lausannois. En 2024, l’esplanade sera à nouveau accessible, la station de métro ne débouchera plus sur une forêt d’échafaudages. Mais surtout, le nouvel hôpital des enfants accueillera ses premier·ère·s patient·e·s. Cela fait plus de 22 ans que Catherine Borghini Polier, directrice des constructions, ingénierie, technique et sécurité du CHUV, attend cet instant. «On a commencé à réfléchir à ce projet en l’an 2000, c’est effectivement un processus très long», sourit-elle.

Dès lors, comment s’assurer que l’établissement ne soit pas «dépassé» une fois terminé? «Un hôpital bouge tout le temps, on doit veiller à rester extrêmement flexible, répond l’experte. On évite par exemple d’avoir des murs porteurs trop rapprochés, les cloisons doivent pouvoir être déplacées. De ce fait, il est impératif d’être très vigilant au départ, dans la conception des éléments durs.» Ainsi, à l’avenir, il serait envisageable de réaménager les unités d’hospitalisation, si l’ambulatoire venait à prendre le pas sur le stationnaire.

Souplesse et anticipation

Même son de cloche du côté de Genève, qui prévoit d’ouvrir les portes de son nouvel hôpital pédiatrique en 2029. Pour Marc Lehmann, architecte associé chez Architecturestudio et responsable du projet, «la souplesse est la clé». «Les chantiers hospitaliers ne sont jamais figés, observe le spécialiste. À Genève, on a prévu des ‹autoroutes techniques verticales›, de grandes gaines surdimensionnées par rapport aux besoins actuels. Cela permet d’anticiper les évolutions technologiques futures.»

Autre similarité dans les deux structures romandes: la place prépondérante allouée à la nature. Alors qu’un grand jardin thérapeutique sera aménagé à Lausanne, un parc vert, destiné à apaiser l’ambiance, est au cœur du projet genevois. «Le jardin fait entièrement partie du complexe, comme c’était le cas pour les hôpitaux du XIXème siècle, observe Marc Lehmann. Nous avons également redonné sa place au végétal à l’intérieur du bâtiment, conçu comme un arbre, avec un tronc minéral sur lequel viennent s’accrocher les chambres, clin d’œil aux cabanes de Robinson Crusoe.» De plus, des balcons communicants, présents pour chaque chambre, permettront aux résident·e·s de socialiser.

Rendre l’espace moins anxiogène

Pour les deux hôpitaux, l’idée est également de donner la possibilité aux enfants de se libérer quelque peu de l’univers hospitalier et de tous les aspects anxiogènes qu’il comporte. «Nous avons eu beaucoup de réflexions sur les façons de rendre l’espace le moins stigmatisant possible, afin d’enlever au maximum les craintes que l’on pourrait ressentir, témoigne Catherine Borghini Polier. Pour ce faire, nous travaillons activement avec des artistes et designers. Une forêt de lumière sera par exemple installée dans les couloirs qui relient le futur hôpital au bâtiment central, afin de rendre ce parcours aussi apaisé que possible.»

Dans les chambres, les éléments techniques (canaux de fluides, prises de gaz, connexions électriques, etc.) seront encastrés afin d’éviter de les rendre trop visibles. Ces dernières seront plus spacieuses, afin de permettre au parent d’être pleinement intégré. «Nous avons travaillé sur une assise qui se transforme en lit, afin que les proches puissent être jour et nuit aux côtés de leurs enfants hospitalisés», souligne Catherine Borghini Polier. À Genève, la philosophie va dans le même sens, avec l’objectif affiché de recréer un «cocon familial, une alcôve en forme de micro-salon». «La fratrie participe totalement à l’hospitalisation, estime Marc Lehmann. Le lit fait partie de l’équipement, mais n’est pas forcément au centre.»

Pouvoir répondre à la souffrance des enfants est une mission primordiale, un moteur qui nous pousse au quotidien.

Catherine Borghini Polier, directrice des constructions, ingénierie, technique et sécurité du CHUV

Nos deux experts s’accordent enfin sur l’importance de la mission qui leur est confiée. «Travailler dans l’hospitalier est passionnant, confie Marc Lehmann. Parvenir à donner une sensation de lieu calme et paisible tout en respectant les besoins techniques du corps médical est un challenge de taille.» Catherine Borghini Polier souligne enfin l’importance du projet, emblématique pour le canton: «avoir la chance de construire un hôpital pédiatrique est quelque chose de rare, de précieux. Et pouvoir répondre à la souffrance des enfants est une mission primordiale, un moteur qui nous pousse au quotidien.»

Photo de titre: Le CHUV offrira un jardin thérapeutique, à disposition du public comme des jeunes patient·e·s (DR).