Espace Compétences: former, c’est soigner l’avenir

Entré en fonction en avril 2025, Nicolas Pétremand, désormais directeur d’Espace Compétences, a dirigé auparavant le Service de la santé publique du canton du Jura ainsi que le Centre médico-psychologique du même canton et a créé son entreprise de conseils en 2021. «Ce qui m’a attiré, c’est la possibilité de participer à réinventer la formation dans la santé et le social et d’agir sur des enjeux concrets», confie-t-il.

Pour le directeur, ces enjeux sont clairs: pénurie de personnel, carrières courtes, pression financière croissante sur les institutions.

«C’est en renforçant les compétences via la formation continue que l’on peut soutenir les établissements. Chaque franc investi dans la formation est un franc économisé, car il renforce l’efficacité, la sécurité et l’engagement des équipes.»

Concurrence et contraintes financières

La diversité des formations est un atout majeur: Espace Compétences propose aussi bien la formation de futur·e directeur·trice d’hôpital ou d’institution sociale que des modules de quelques jours sur des thématiques très ciblées. «On forme les cadres dirigeants de demain comme le personnel. Les domaines de la stérilisation, de l’hygiène des soins ou encore de la préparation à certains diplômes fédéraux (niveau équivalent à un Master), par exemple en gestion d’institutions de santé, nous sont confiés à titre exclusif en Suisse romande. C’est très vaste, cela fait la richesse de notre institut», souligne Nicolas Pétremand.

Le secteur de la formation est marqué par une forte concurrence entre filières académiques (CAS, DAS, MAS) et formations professionnelles (certificats fédéraux, brevets, diplômes). «En Suisse romande, l’académique domine, tandis qu’en Suisse alémanique, les formations professionnelles sont davantage valorisées. Promouvoir ces parcours ici est un vrai défi, observe Nicolas Pétremand, que cela soit pour les participant·e·s mais aussi pour les institutions».

À cette compétition s’ajoutent des contraintes financières. Espace Compétences ne bénéficie d’aucune subvention: ses formations sont financées par les participant·e·s, via les employeurs, souvent des institutions de soins elles-mêmes soumises à de fortes pressions budgétaires.

Comment continuer à offrir des formations utiles, de qualité, accessibles et innovantes, dans un contexte de ressources limitées: voilà un challenge qui m’anime au quotidien.

Nicolas Pétremand, directeur d’Espace Compétences

Pour Inka Moritz, l’organisation des cours est aussi un levier. «Ce qui coûte le plus aux institutions de soins, ce sont les absences des collaborateur·trice·s. Multiplier les jours de cours peut être compliqué. Mieux vaut miser sur quelques journées intenses et concrètes, qui permettent d’être directement opérationnel·le.»

Synergies avec H+ Bildung

La présidente du conseil d’administration est entrée en fonction en juin 2025, un an après le rachat des actions de l’ASI par H+, désormais seul actionnaire du centre de formation. Depuis, un rapprochement avec H+ Bildung est à l’ordre du jour. «Nous avons un seul actionnaire commun, H+. C’est une chance d’arriver dans cette phase, propice à la réflexion et à l’analyse. L’enjeu est de consolider ce qui a été construit et de préparer l’avenir ensemble. Il ne s’agit pas de fusionner, mais de créer des synergies et des conditions-cadres similaires. Nous en sommes encore à la phase de dialogue et de comparaison de bonnes pratiques», précise-t-elle.

Les besoins diffèrent toutefois selon les régions. «Les infirmier·ère·s, respectivement les ASSC par exemple, n’exercent pas partout de la même manière. Cela a des conséquences sur les différentes formations continues, entre Espace Compétences et H+Bildung. L’idée n’est pas d’uniformiser, mais d’améliorer les réponses aux situations similaires, tout comme aux situations spécifiques des régions et domaines d’activité», complète Nicolas Pétremand.

Fidéliser et accompagner les reconversions

Dans un secteur où la concurrence est forte pour recruter et retenir, la formation est un levier de fidélisation. «Former, c’est fidéliser. Toutes les mesures qui diminuent le turn-over sont extrêmement profitables », insiste Inka Moritz. Elle souhaite aussi mieux valoriser les passerelles.

«Beaucoup de collaborateurs ·trices quittent la santé. Certain·e·s pourraient rester s’ils·elles pouvaient capitaliser sur leurs acquis et se former pour des métiers voisins. Le passage d’ASSC à infirmier·ère est déjà répandu, mais il existe de nombreuses autres pistes à développer.»

Espace Compétences peut jouer un rôle moteur pour valoriser les compétences transférables et retenir des talents dans le secteur ou permettre un retour plus aisé après un congé de plusieurs années.

Inka Moritz, présidente du conseil d’administration d’Espace Compétences

Pour Nicolas Pétremand, il faut développer «des formations courtes et ciblées, qui apportent rapidement des compétences utiles sur le terrain et peuvent aussi être données sur site selon les besoins». À terme, cela suppose de travailler en partenariat avec d’autres acteurs, notamment les hautes écoles, afin de bâtir de nouvelles filières et de faciliter les reconversions.

Une offre vivante et proche du terrain

Au-delà des stratégies et des partenariats, la nouvelle direction veut préserver ce qui fait la force d’Espace Compétences: la proximité et l’accompagnement individualisé. «Nous sommes à l’écoute des besoins et nous devons garder cette capacité à réagir vite, à sortir d’un catalogue figé. L’offre doit être vivante et connectée aux réalités du terrain», insiste Nicolas Pétremand.

Qu’il s’agisse de modules organisés dans les institutions pour renforcer l’identité d’équipe ou de sessions à Cully permettant de développer son réseau en toute confiance, la flexibilité reste une priorité. «Les deux dimensions sont importantes: consolider son équipe et s’ouvrir à d’autres pratiques. C’est ce qui fait la richesse de la formation continue», conclut-il.

Photo de titre: Le nouveau duo à la tête d’Espace Compétences, Inka Moritz et Nicolas Pétremand. (Crédit photo: Alicia Voumard)