Dina Hediger: un engagement exemplaire, un impact considérable

Madame Hediger, vos jumeaux sont nés prématurément et ont passé 110 jours en néonatologie. Quels sont les besoins les plus fréquents auxquels vous et les 90 couples de parents bénévoles de votre organisation d’entraide «Frühchen & Neokinder Schweiz» êtes confrontés?

Le thème de la perte occupe une place centrale chez de nombreux parents concernés, tout comme les complications possibles. Reviennent aussi souvent des questions comme: comment avons-nous, en tant que parents, surmonté cette épreuve? Comment vont nos enfants aujourd’hui? Et avons-nous eu d’autres enfants par la suite?

Comment votre engagement a-t-il commencé?

Tout a débuté durant mon séjour en néonatologie, lorsque j’ai proposé aux parents arrivés après moi d’échanger sur nos expériences. Quand nos jumeaux ont eu un an, l’Hôpital de l’Île à Berne m’a invitée à apporter le point de vue des parents lors de la Journée du personnel soignant, puis j’ai également pu faire cela dans d’autres institutions. Cela m’a beaucoup apporté, car j’ai senti que mes contributions étaient appréciées. Il y a environ trois ans, j’ai initié la création d’un centre d’accueil pour parents, comme j’aurais aimé en trouver à l’époque. Mais il est important de souligner que rien n’aurait été possible sans l’engagement de nombreuses autres personnes.

Par votre travail, vous soutenez aussi le personnel hospitalier dans la prise en charge des prématuré∙e∙s et de leurs familles. Quelles améliorations avez-vous pu amorcer?

Nous sommes souvent intégrés directement aux réunions d’équipe, lorsque des adaptations doivent être faites dans la relation avec les familles. Nous sommes aussi sollicités pour collaborer à des projets de recherche hospitaliers.

Et nous nous réjouissons tout particulièrement lorsque des professionnel·le·s remarquent que notre engagement favorise une coopération accrue entre les hôpitaux.

Comment parvenez-vous à cela?

Dès le départ, notre équipe de 19 expert·e·s issus de différents hôpitaux et disciplines (soins infirmiers, assistance sociale, etc.) a été constituée de manière interdisciplinaire. De plus, nous avons toujours attiré l’attention sur les différences régionales: si une structure existe à Bâle, il devrait en aller de même ailleurs. Le 17 novembre, à l’occasion de la Journée mondiale de la prématurité, notre organisation tiendra un événement national au Kantonsspital Aarau pour renforcer le réseau à l’échelle suisse.

Votre organisation pourrait servir de modèle à d’autres.

Pour l’instant, j’ai encore peu d’échanges directs avec d’autres associations, mais le médecin-chef de la Clinique pédiatrique de Berne m’a récemment invitée à présenter notre mode de fonctionnement lors d’un événement destiné à toutes les organisations de patient·e·s actives autour de la clinique.

Selon vous, quels sont les principaux besoins d’action au niveau national?

Je vois deux grands champs d’amélioration. Le premier concerne la prise en charge familiale intégrée et interdisciplinaire en néonatologie, déjà bien étudiée et appliquée dans la pratique au Canada et en Scandinavie. Nous avons lancé à ce sujet un projet de recherche et formé un groupe de travail avec, entre autres, la Prof. Dr Cornelia Hagmann, cheffe du service de néonatologie de l’Hôpital universitaire pour enfants de Zurich.

Quels sont les objectifs de ce projet?

D’ici 2026, nous voulons dresser un état des lieux des pratiques dans chaque hôpital concernant la prise en charge familiale intégrée en néonatologie. Sur cette base, nous pourrons définir des standards minimaux communs pour la Suisse.
En 2027, des ressources devront être mises en place pour accompagner les hôpitaux dans l’implémentation de ces standards.

Qu’englobe une prise en charge familiale intégrée?

Elle comprend la formation et la sensibilisation des parents, la collaboration interdisciplinaire au sein de l’hôpital, le soutien par les pair∙e∙s, les aspects psychosociaux ainsi qu’une meilleure préparation au retour à domicile. Elle inclut aussi l’intégration progressive des parents aux soins, par exemple pour poser une sonde ou changer un masque respiratoire, afin qu’ils prennent peu à peu davantage de responsabilités. Quand cela se fait dès le départ, le lien parent-enfant se renforce nettement.

Et dans quel autre domaine voyez-vous un besoin d’action?

Cela concerne justement le retour à domicile. Pour les enfants né∙e∙s à terme, il est bien accompagné par les sages-femmes, les services de conseil aux parents, etc. Mais les parents de prématuré∙e∙s sortent de ce cadre.

Après de longues semaines ou mois en néonatologie, ils se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes une fois rentrés chez eux. Même lorsque les enfants vont bien, ces familles ont besoin de soutien.

Qu’est-ce qui facilite le retour à la maison?

Il est crucial de donner aux parents, dès la néonatologie, un sentiment de sécurité grâce à la transmission de savoirs. Mais il faut aussi les informer clairement qu’ils peuvent, voire doivent, continuer à faire appel à des professionnel·le·s après le retour à la maison. L’objectif est de leur dire: «Vous avez droit à un départ normal dans la vie familiale, et nous sommes là pour vous y aider.»

Photo de titre: Dina Hediger, lauréate du Prix Sana (crédit photo: Fondation Sana).