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10. octobre 2023

Manque de personnel qualifié

Cohorte nationale de professionnel·le·s de santé

Comprendre les trajectoires pour surmonter la pénurie

Un projet national mené par Unisanté, la Haute Ecole de La Source et le CHUV met à disposition des données pour améliorer le pilotage de la force de travail en Suisse et proposer des mesures.
Competence Dre Ingrid Gilles

auteur

Dre

Ingrid Gilles

Responsable de secteur de recherche, CHUV, Lausanne

ingrid.gilles@chuv.ch

Assurer la relève du personnel de santé représente un défi majeur. Maintenir dans la profession le personnel en poste et celui en formation est un défi tout aussi crucial. Pour relever ces défis et trouver des solutions concrètes, il faut comprendre les parcours des professionnel·les de la santé et identifier les facteurs qui facilitent ou au contraire compromettent leur pratique. La Suisse manque de données précises à ce sujet.

Cohorte nationale

Afin de combler cette lacune, Unisanté, l’Institut et Haute Ecole de la Santé La Source et le CHUV ont constitué en 2022 une cohorte nationale de professionnel·le·s de santé (Swiss COhort of Health Professionals and Informal CAregivers – SCOHPICA) qui vise à fournir des données précises et régulièrement mises à jour sur la situation de tous les différents groupes professionnels en contact avec les patient·es, quels que soient leur statut et lieu de pratique.

L’objectif est d’aider les acteurs de la santé dans la planification, le suivi et la gestion du personnel, ainsi que dans l’élaboration de politiques publiques et managériales visant à garantir des conditions de travail optimales.

La première collecte de données auprès des professionnel·le·s de la santé a eu lieu entre le 1er octobre 2022 et le 31 janvier 2023 et a totalisé près de 1800 réponses issues des trois régions linguistiques. Pour compléter ce premier échantillon, une nouvelle collecte de données vient de débuter. Les proches aidant·e·s, autres acteurs·trices clefs du système de santé, seront intégré·e·s au projet SCOHPICA à partir du printemps 2024.

Premières tendances

Les 1707 professionnel·le·s de la santé ayant participé à la première enquête représentent une trentaine de professions différentes. Environ 40% travaillent à l’hôpital (33% dans le public et 10% dans le privé). Parmi les participant·e·s, l’intention de rester dans la profession dans les prochains mois était la plus élevée parmi les physiothérapeutes, médecins, ergothérapeutes, ambulancier·ères et les assistant·e·s médicales·caux (plus de 80% de «oui, peut-être» et «oui, certainement»), et la plus basse parmi les infirmiers·ères diplômé·e·s et les infirmiers·ères de pratique avancée (moins de 65% de «oui, peut-être» et «oui, certainement»).

Pour les professionnel·le·s travaillant dans un contexte hospitalier, la tendance est identique entre professions, et le niveau d’intention de rester est dans la moyenne des résultats (67,8% de «oui, peut-être» et «oui, certainement»).

Plus de 70% des participant·e·s ont reporté un état de bien-être global équivalent ou supérieur à 7 sur 10 avec peu de différences entre professions.

Moins de reconnaissance, plus de travail

Concernant les autres aspects mesurés dans le questionnaire, le personnel de santé pratiquant en hôpital public et privé se démarque des professionnel·le·s pratiquant dans d’autres lieux sur la charge de travail perçue, le contrôle perçu sur les horaires de travail, les ressources à disposition et la reconnaissance du travail. En effet, les professionnel·le·s de la santé travaillant dans les hôpitaux reportent une plus grande charge de travail, moins de contrôle sur les horaires, moins de ressources et moins de reconnaissance que les professionn·le·s de santé travaillant en milieu non-hospitalier.

Si 71,3% des professionnel·le·s pratiquant en milieu hospitalier sont «d’accord» à «tout à fait d’accord» pour dire qu’elles et ils ont bien été préparé·e·s à la réalité du travail durant leur formation, moins de 61,5% estiment pouvoir exercer leur pleine étendue de pratique.

Ces résultats sont stables, que les professionnel·le·s travaillent dans les soins somatiques, en santé mentale, en soins longs séjour ou en réhabilitation. Enfin, 26,8% des professionnel·le·s hospitalier·ères estiment présenter un ou plusieurs symptômes d’épuisement et 12,5% s’estiment «épuisé·e·s» à «complètement épuisé·e·s» par leur travail. Ces chiffres ne varient pas entre hôpital public et hôpital privé.

Davantage de données sont nécessaires

Bien que très instructifs, ces résultats ne reflètent que les expériences des professionnel·le·s ayant participé à l’enquête de 2022. De manière à obtenir des résultats plus précis et détaillés, il est crucial que les participant·e·s au projet SCOHPICA répondent au questionnaire de suivi de cet automne et que de nouvelles personnes les rejoignent dès que possible.

Participez au projet!

Ce projet donne la parole aux professionnel·le·s de la santé exerçant une activité clinique en Suisse. Financé par l’Académie des sciences médicales (ASSM), l’OFSP, l’Obsan et les institutions de rattachement de l’équipe de recherche, il bénéficie du soutien d’un panel d’accompagnement comprenant des représentant·e·s d’institutions publiques et d’associations professionnelles. Le plus grand soutien provient toutefois des participant·e·s qui acceptent de partager leurs expériences en répondant à un questionnaire annuel. Leur contribution permet de recueillir des données inédites sur les diverses professions en Suisse. Si vous aussi souhaitez participer à l’enquête, rendez-vous sur scohpica.ch (voir aussi le code QR). L’avis de chacun·e compte!

QR-Code Teilnahma an

Cet article a été rédigé en partenariat avec prof. Isabelle Peytremann-Bridevaux et prof. Annie Oulevey Bachmann.

Photo de titre: Svitlano Hulko via Canva.com