Le H4 (Hand-on Human Health Hub, hub vaudois d’innovation collaborative dans les soins et en santé) organise régulièrement des ateliers de réflexion permettant à l’écosystème des soins romand d’aborder des problématiques actuelles, de partager des réflexions et de dégager des pistes de solutions. Lors de conférences sur le thème de l’Intelligence artificielle (IA) ou de la digitalisation, nous avons souvent entendu les soignant·e·s exprimer leur inquiétude: «ne va-t-on pas déshumaniser les soins?». En septembre 2022, l’un de nos ateliers a cherché à comprendre cette crainte puis à la dépasser pour établir un recueil de recommandations en faveur d’un développement et d’une utilisation de l’IA dans les soins qui soient responsables et qui cadrent son impact sur l’humain tout en s’ouvrant aux possibilités extraordinaires qu’elle nous offre.
Partant du postulat que l’intervention de l’IA dans les soins est déjà une réalité, dans les champs par exemple du diagnostic, du télémonitoring, de la prédiction ou de la personnalisation, les participant·e·s à l’atelier ont examiné l’évolution des rapports soignant·e-patient·e vers une relation tripartite intégrant l’IA. Elles et ils ont commencé par dresser la liste de leurs reproches à ces entités qui s’immiscent dans leur quotidien, en se basant sur leur vécu ou sur leur imaginaire.
Les résultats qui en ressortent nous paraissent fondamentaux. 61 recommandations ont été exprimées. Nous les avons regroupées en neuf catégories sur lesquelles focaliser les futurs développements et pratiques, constituant ainsi une sorte de guide. Elles peuvent se résumer comme suit:
– Technologie: aller encore plus loin, parfaire le design des IA, les augmenter fonctionnellement de manière à prendre en compte au cœur même de leur implémentation les difficultés potentielles soulevées par leurs rapports aux soignant·e·s et aux patient·e·s.
– Émotion: implanter des fonctionnalités au sein de l’IA qui prennent en compte les émotions, les ressentis, la douleur ou les peurs.
– Intégration: intégrer une IA donnée, voire imposée, par le design des pratiques, par l’accompagnement humain des interfaces entre IA et patient·e, par la prise en compte de la réflexion, de l’intuition et de l’expérience humaine.
– Systémique: favoriser une approche globale, tenant compte d’un maximum de paramètres, par exemple l’environnement, les habitudes,…
– Efficience: profiter de l’IA pour rendre le système de santé plus économe, flexible ou rapide, notamment dans les aspects administratifs (rendez-vous, horaires du staff,…).
– Réglementation: établir un contrôle sur la production des IA de sorte à éviter certaines lacunes.
– Personnalisation: engendrer des soins prenant en compte les spécificités d’un·e patient·e donné·e.
– Responsabilité: clarifier les enjeux de responsabilité dans les décisions et le suivi des recommandations des IA.
– Formation: accompagner les acteurs·trices par des formations appropriées.
Il en ressort que la responsabilité d’une introduction réussie et humaine de l’IA dans les soins ne relève pas que des développeurs·euses mais bien autant des décideurs·euses et des utilisateurs·trices, des soignant·e·s elles·eux-mêmes et des pratiques qu’elles et ils doivent harmoniser autour de l’IA au-delà d’un premier mouvement de précaution légitime.
Il nous parait aussi intéressant de noter qu’en très peu de temps (rencontre de deux heures) et avec les personnes concernées (travail de 51 personnes interdisciplinaires et inter-organisations, dont 26 professionnel·le·s de la santé), il est possible de capter des avis et des suggestions qui dans leur ensemble composent un guide positif de l’emploi de l’IA en soins.
La valeur de cette esquisse de guide est de faire un pas dans cette direction. Nous espérons que l’effort sera poursuivi et que ce guide puisse servir de référence pour l’initiation de futures démarches.
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