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5. avril 2022

Focus Soins infirmiers

Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI)

Du personnel en suffisance, bien formé et stable

L’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) se mobilise pour la mise en œuvre du nouvel article constitutionnel sur les soins. Interview de sa présidente Sophie Ley.
Competence Marie-Claire Chamot

auteur

Marie-Claire Chamot

Rédactrice de Competence pour la Suisse romande et le Tessin

marie-claire.chamot@hplus.ch

Quel est votre sentiment après l’acceptation de l’initiative sur les soins infirmiers?

Je suis très fière de ce que l’ASI a réussi à faire. Nous avons su inspirer les jeunes et fédérer les professions de soins grâce à une équipe très forte, très dynamique et engagée, et je suis fière d’être infirmière! Je me sens portée par cette élan, mais je me rends compte aussi des difficultés de la mise en œuvre. Ce sera un travail exigeant sur le long terme et l’ASI a besoin de se structurer pour faire face à ces nouvelles exigences, pour pérenniser cette volonté, au profit des patient·e·s autant que des professionnel·le·s. Nous avons déjà engagé un spécialiste des tarifs, mis au concours un poste de secrétaire général·e adjoint·e, nous élirons bientôt un nouveau membre au comité et nous nous associerons de nouvelles compétences au fil du temps.

Comment vous organisez-vous pour la suite du processus politique?

Le comité d’initiative a été dissous le 20 janvier et une organisation de projets a été décidée. La première étape consiste à mettre en place des sounding boards, qui seront pilotés par le comité central de l’ASI. Ils comprendront des représentants des employeurs, des syndicats ainsi que de plusieurs partis politiques. Le partenariat avec tous les acteurs concernés est la base de cette organisation de projets. Les représentants des sections de l’ASI assureront le relais avec les cantons.

Le Conseil fédéral propose une mise en œuvre en deux étapes. Que pensez-vous de cette stratégie?

Sophie Ley, présidente de l’ASI

Tout d’abord, je suis très contente que le Conseil fédéral ait traité le sujet aussi rapidement après la votation. Comme le contenu de l’ancien contre-projet indirect est prêt et répond à certains enjeux, allons-y! L’offensive en faveur de la formation et la facturation directe, ce sont des mesures qui ont du sens. Nous espérons quelles seront mises en route rapidement, ce sera un signe important pour les cantons et pour les jeunes. Toutefois, comme l’ASI l’a clairement demandé, il faut aussi commencer à travailler en parallèle sur les conditions d’exercice de la profession. Lancer seulement une offensive sur la formation ne servira à rien! Elle ne permettra pas de compenser les nombreux départs dus à l’épuisement.

Les conditions de travail et la rémunération dépendent pour le moment des cantons et des partenaires sociaux. Espérer donner cette compétence à la Confédération, n’est-ce pasaller vers beaucoup de débats et peu de résultats?

Même si beaucoup d’aspects sont délégués aux cantons, la loi sur le travail, par exemple, est une loi fédérale qui engage la responsabilité du Conseil fédéral et du Parlement. Et il y en a d’autres.

Qu’espère concrètement l’ASI sur le plan de la rémunération des professions infirmières?

Ce que nous demandons, c’est une facturation correcte des prestations infirmières, qui permette d’engager du personnel en suffisance pour assurer des tâches de plus en plus complexes. Cela signifie aussi un salaire adapté au niveau de formation et aux responsabilités ainsi qu’une équité au niveau cantonal, entre les différents établissements et structures de soins. Mais il ne s’agit pas de lisser les rémunérations sur l’ensemble du territoire suisse.

Et en termes de conditions de travail?

Avant la rémunération, la priorité régulièrement exprimée par les professionnel·le·s sur le terrain, c’est la gestion du temps: d’une part pouvoir disposer de plus de temps pour les patients, d’autre part pouvoir mieux planifier son temps libre et organiser sa vie. Des horaires irréguliers mais stables ou décidés longtemps à l’avance sont bien préférables au travail sur appel que l’on constate parfois maintenant. Cela exige aussi une dotation suffisante en personnel, avec un ratio correct entre soignant·e·s et patient·e·s pour assurer chaque jour une prise en charge de qualité. Se sentir obligé d’aller travailler au lieu de prendre son congé parce qu’il manque du personnel dans le service, cela ne devrait plus arriver …

La Suisse a-t-elle les moyens d’introduire ces améliorations?

Il faut repenser l’organisation des soins pour mettre les bonnes personnes au bon endroit. Peut-être serait-il par exemple préférable de déléguer des tâches administratives à d’autres professionnel·le·s. Si les prestations infirmières sont correctement rémunérées, cela donnera les moyens d’engager du personnel! Cela nécessitera peut-être des moyens supplémentaires au début, mais il est prouvé depuis longtemps qu’un nombre suffisant d’infirmiers et infirmières qualifié·e·s permet de diminuer les complications et la durée des hospitalisations. On obtiendra donc des gains en termes de coûts de la santé et de qualité de vie pour les patient·e·s. Notre principal axe stratégique, c’est la défense de la qualité et de la sécurité des soins. C’est pour cela que les gens ont voté. Et pour cela il faut du personnel en suffisance, bien formé et stable, alliant de l’expérience et des compétences de haut niveau.

Photo de titre: ASI

   

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