Psychiatrie Tessin Lea Bohm
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7. octobre 2025

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Canton du Tessin

Psychiatrie tessinoise: défis, innovations et perspectives

Face à une forte demande et à une pression record sur les lits hospitaliers, l’OSC du Tessin réorganise ses services et développe des unités spécialisées pour proposer des soins psychiatriques de proximité, continus et adaptés à tous les âges. Interview de Lea Bohm, vice-directrice de l'Organisation sociopsychiatrique cantonale (OSC).
Competence Muriel Chavaillaz

auteur

Muriel Chavaillaz

Journaliste de Competence pour la Suisse romande et le Tessin

muriel.chavaillaz@hplus.ch

Comment se manifeste la crise actuelle en psychiatrie dans le canton du Tessin?

Nous constatons une occupation constamment très élevée des lits hospitaliers (taux moyen d’occupation en 2025: 99,4 %). Cette situation n’est toutefois pas uniquement liée au nombre de patient·e·s nécessitant un traitement psychiatrique hospitalier. Souvent, des personnes sont hospitalisées parce qu’elles ont besoin d’un cadre de vie et d’un accompagnement adaptés, pour lesquelles il n’existe pas d’alternative.

Lea Bohm, vice-directrice de l’Organisation sociopsychiatrique cantonale (OSC).

Quel·le·s patient·e·s par exemple?

Il peut s’agir de personnes présentant des comportements violents, verbaux ou physiques, ou antisociaux, parfois en transition entre procédure judiciaire et/ou détention, pour lesquelles les structures adéquates font défaut. Sont aussi concernées des personnes avec un diagnostic psychiatrique confirmé, mais en état stable, qui n’ont pas de situation de logement. Enfin, certaines personnes sans indication psychiatrique mais sans domicile fixe, par exemple prises en charge par la police, font aussi partie de ce groupe.

Ces hospitalisations «par défaut» occupent des lits nécessaires pour les patient·e·s en crise aiguë. Ce phénomène n’est pas propre au Tessin mais touche l’ensemble de la Suisse. Combiné à un nombre élevé d’admissions sous contrainte (400 en 2025, soit 37,6 % de toutes les admissions), il accentue la pression sur nos structures.

Existe-t-il des particularités locales qui influencent la situation?

Oui, un autre facteur est la géographie du canton, avec ses vallées et villages dispersés. Pour rendre l’offre ambulatoire et de soins de jour accessible localement et de manière étendue, nous exploitons 16 sites répartis sur tout le canton.

Comment l’OSC gère-t-elle la pénurie de personnel?

Il s’agit d’un problème complexe sans solution simple. Dans notre cas, les conditions-cadres de l’OSC, qui fait partie de l’administration cantonale, limitent les marges de manoeuvre concernant les conditions de travail (salaires, congés, horaires, etc.) et le processus de recrutement.

Mais notre objectif reste de retenir les personnes formées au sein de notre institution. Cela passe par une formation continue de qualité et, à l’avenir, par la possibilité pour les professionnel·le·s de consacrer une partie de leur temps de travail à un domaine d’intérêt spécifique (psychotraumatologie, psycho-oncologie, recherche, etc.).

Pour soutenir la formation et la recherche, nous avons conclu un partenariat avec la faculté de biomédecine de l’Università della Svizzera Italiana.

«La coordination entre les services hospitaliers et les services ambulatoires du canton est bien structurée» souligne Lea Bohm (crédit photo: via Canva.com).

La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent semble particulièrement touchée dans plusieurs cantons. Est-ce aussi le cas au Tessin?

Oui, nous constatons également une demande croissante en pédopsychiatrie. Nous nous réjouissons donc de l’inauguration en décembre 2025 de la nouvelle «Unità di cura per minorenni» à San Pietro di Stabio. Jusqu’ici, nous ne disposions que de cinq lits au sein de l’Ente Ospedaliero Cantonale pour accueillir ces patient·e·s. La nouvelle unité, avec 13 lits, représente un jalon important. Dans le cadre de la planification stratégique, nous prévoyons aussi de développer des offres ambulatoires spécialisées pour cette tranche d’âge, notamment pour les jeunes présentant une utilisation problématique ou excessive des jeux vidéo, réseaux sociaux, smartphones ou d’Internet.

Comment la collaboration entre structures hospitalières et ambulatoires est-elle organisée?

Comme mentionné, l’OSC exploite 16 sites proposant des soins ambulatoires ou de jour. La coordination entre les services hospitaliers et les services ambulatoires du canton est bien structurée, avec des réunions hebdomadaires pour garantir le suivi des patient·e·s. La collaboration avec les médecins traitants est également efficace. L’accent est mis sur la préparation à la sortie, car les deux à trois semaines post-hospitalisation sont cruciales. Des rendez-vous ambulatoires sont organisés et les informations cliniques détaillées sont transmises.

L’OSC peut également proposer un suivi multiprofessionnel à domicile jusqu’à ce que le suivi psychiatrique soit repris par le ou la médecin traitant·e.

Des projets intercantonaux sont-ils possibles?

Oui, c’est possible. Par exemple, un projet avec le canton des Grisons a permis à notre équipe Hometreatment de prendre en charge des patient·e·s dans la partie italophone du canton voisin. La langue et la distance géographique restent des défis, mais nous nous efforçons de renforcer la collaboration avec les institutions au nord des Alpes. Les enjeux sont similaires partout, et il est essentiel de partager les bonnes pratiques et expériences.

Comment envisagez-vous l’évolution du rôle de l’OSC ces prochaines années?

La mission fondamentale de la psychiatrie publique et de l’OSC reste la même. Notre objectif est de contrer la tendance à la centralisation des soins hospitaliers et de favoriser la détection précoce, le suivi continu et une offre de soins accessible localement pour toutes les phases de la vie. Nous développons et adaptons en permanence nos offres ambulatoires selon les besoins de la population.

Parallèlement, nous menons plusieurs projets de développement: rénovation des infrastructures, réorganisation de la clinique, refonte technique, etc., afin d’améliorer à la fois la qualité des prestations pour les patient·e·s et les conditions de travail du personnel.

Photo de titre: via Canva.com

   

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