Chirurgien et spécialiste en Lean Management: une évidence pour le Dr Timothée Fueter, qui a découvert le concept lors d’une formation en 2017. Le service de chirurgie était alors une unité pilote. Séduit par cette méthode d’amélioration continue qui traque les pertes de temps et de ressources, le Dr Fueter a choisi d’approfondir ses connaissances en suivant une formation de «chef de projet Lean».
«En chirurgie ambulatoire, l’efficience est essentielle et clé du succès: les conditions de retour à domicile doivent être réunies le plus tôt possible, afin que les prises en charge soient sécuritaires et qualitatives, explique-t-il. Cela peut paraître paradoxal, car nous travaillons avec des patient·e·s qui vivent des expériences uniques. Mais en standardisant au mieux les processus, on normalise les parcours de soins et on améliore l’efficience globale. De manière concomitante, l’approche est basée sur des données probantes».
Alors qu’il débutait son projet, le COVID est venu totalement bousculer la gestion du service. «Comme je faisais partie de la cellule de conduite de l’hôpital, j’ai utilisé certains outils Lean pour mutualiser les salles d’opération et gérer de façon plus efficiente le bloc opératoire», se souvient le spécialiste. Une expérience qui a incité et encouragé l’établissement à poursuivre ensuite ses efforts dans cette voie, afin d’optimiser au mieux de précieuses ressources.
La méthode Lean a ainsi bousculé les processus propres au bloc opératoire, où chaque chirurgien·ne avait jusqu’alors sa salle d’intervention et sa propre manière d’exercer. «Cela est inhérent à notre formation, souligne le Dr Fueter. En tant que spécialiste, une part de notre expertise est le fruit de notre expérience et du lieu où l’on a été formé. D’une certaine manière, nous sommes tous·toutes formaté·e·s dans nos propres paradigmes. Parfois on peut reproduire certaines habitudes, sans réelle plus-value clinique.
De plus, fluidifier les processus garantit davantage de sécurité et de qualité aux patient·e·s qui passent par le bloc, en évitant les pics (et les creux) d’activité».
En utilisant la méthode Lean, le Dr Fueter a ainsi passé en revue différents processus liés à la trajectoire opératoire des patient·e·s. Le but: identifier les temps à non-valeur ajoutée pour la·le patient·e comme pour le personnel soignant, puis réorganiser les flux afin d’éviter ces derniers. Avant de remanier un processus, le Dr Fueter commence toujours par réunir l’équipe adéquate autour du projet. «Selon mon expérience, cela change tout, analyse-t-il. Car dans notre domaine, le facteur humain est capital et les résistances au changement peuvent être des freins importants».
Être issu du domaine médical a été un grand avantage. Pour mes confrères·consoeurs, il était bien plus facile d’adhérer au projet que si ce dernier leur avait été proposé par une personne externe au service
Dr Timothée Fueter, HIB
Les efforts du Dr Fueter se sont portés sur trois axes concrets: la validation du consentement chirurgical en pré-opératoire, l’hypnose par réalité virtuelle pour diminuer l’anxiété avant ou pendant une intervention chirurgicale et l’anticipation des rendez-vous post-opératoires. Ces indicateurs d’amélioration ont ainsi permis d’augmenter la sécurité, la satisfaction des patient·e·s et l’efficience du processus.
Actuellement, une nouvelle étape d’amélioration est en cours: l’intégration d’un logiciel informatique de planification opératoire pour l’ensemble des interventions prévues à l’HIB. «Grâce à ce dernier, nous pouvons désormais mieux identifier les patient·e·s a risque et l’ensemble des partenaires (chirurgien·ne·s, anesthésiste, instrumentistes, responsable matériel, secrétariat…) peuvent anticiper la prise en charge périopératoire de la·du patient·e.
Nous sommes actuellement en phase d’intégration et toutes et tous ont activement participé au paramétrage de ce nouvel outil, afin qu’il puisse répondre au mieux aux besoins de chacun·e.»
Des échanges de bonnes pratiques se font régulièrement entre hôpitaux et cliniques. Néanmoins, le Dr Fueter insiste sur le fait qu’il n’est pas possible de transposer directement une solution établie telle quelle dans un autre lieu: une adaptation est toujours nécessaire. «Chaque établissement a une construction différente, un flux qui lui est propre, observe le chef de service. Calquer tout un processus d’un environnement à l’autre ne fonctionne pas. Chaque hôpital doit faire son travail d’analyse, sa recherche d’indicateurs-clés, afin de s’approprier le projet et d’en dégager le but principal». De ceci dépend le succès: pour que les gens sur le terrain y adhèrent, il faut qu’elles·ils soient pleinement acteurs·trices du changement.
Désormais épaulé par le département qualité de l’HIB, le Dr Fueter souhaite développer de nouveaux projets et instaurer une culture d’amélioration continue, tant pour la chirurgie que dans d’autres secteurs. «À notre échelle de clinicien, cela n’est pas toujours évident, car nous sommes également dans une activité chirurgicale extrêmement soutenue. Je suis ravi de pouvoir compter sur la direction pour mettre en place une expertise d’amélioration continue des flux», se réjouit-il
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