Les analystes et les chercheurs·euses ont identifié depuis plusieurs années déjà certaines évolutions préoccupantes du système d’innovation suisse: déclin du nombre d’entreprises qui maintiennent une activité de R&D interne, baisse du nombre de firmes déclarant innover et, enfin, diminution de la croissance de la productivité. Même si les observations les plus récentes laissent deviner un certain retournement de tendance, les évolutions décrites reflètent des changements structurels sur une longue période dans les conditions et les procédures de l’innovation.
C’est pourquoi les «hearings» d’Olten ont été organisés à l’automne 2022. Il s’agissait de mettre en place des rencontres sectorielles – durant lesquelles expert·e·s, entreprises, chercheurs·euses et associations industrielles du secteur pouvaient exprimer leurs réflexions quant à ces transformations de l’innovation.
L’un de ces «hearings» était consacré au domaine des technologies médicales et des biotechnologies. Les expert·e·s ont notamment souligné:
– Premièrement, le rôle croissant des régulations et réglementations, notamment au niveau européen, qui dans certains cas affectent négativement l’innovation. C’est le cas des régulations portant sur les dispositifs médicaux et les diagnostics in vitro (MDR/IVDR), du protocole de Nagoya, des dispositions générales relatives à la propriété intellectuelle dans le cadre des accords ADPIC ou du système Suisse de paiement pour les services médicaux.
– Deuxièmement, la place de plus en plus centrale de la digitalisation qui crée de nouvelles opportunités pour la production et l’utilisation des données médicales, l’amélioration des produits grâce à de nouvelles fonctionnalités et l’offre de nouveaux services de santé basés sur les données.
– Troisièmement, une tendance à la complexification de l’écosystème d’innovation, due à l’entrée de nouveaux acteurs – notamment dans le domaine de la santé digitale, de la recherche et des fonctions support (incubateur, intermédiaires, brokers).
L’accroissement de la complexité de l’innovation a des conséquences sur la manière dont les entreprises moyennes et petites vont gérer l’innovation. Ces dernières s’efforcent de répondre à cette complexité en privilégiant certaines formes et logiques d’innovation. Sur la base du «hearing», quatre pratiques peuvent être soulignées:
– La mobilisation nécessaire de nouveaux types de compétences et de qualifications, notamment dans le domaine des technologies de l’information et de la science et l’ingénierie des données (données cliniques, données des patient·e·s, etc.).
– La deuxième pratique porte sur l’adoption d’une vision renouvelée de l’innovation. Cette dernière invente de nouveaux modèles qui engendreront plus de valeur pour les consommateurs·trices et assureront une rentabilité commerciale significative.
– Une troisième pratique qui est adoptée en réponse à l’accroissement de la complexité de l’innovation est celle de la focalisation. L’effort se concentre sur une partie ou un composant, appartenant à des ensembles technologiques plus vastes que l’entreprise ne peut maîtriser.
– On observe enfin une explosion des pratiques de collaboration avec les institutions publiques de recherche mais aussi avec les autres entreprises (fournisseuses, clientes, voire même concurrentes).
On a souvent l’impression que cette complexité croissante sera «résolue» par le tryptique – start ups, grandes entreprises et universités de recherche – qui forme un écosystème d’innovation, objet de toutes les attentions. Cependant, ce sont surtout les petites et moyennes entreprises qui en subissent les effets et doivent adapter leurs méthodes d’innovation pour répondre aux nouveaux défis. Ce sont celles-ci qui adoptent les nouvelles pratiques identifiées et c’est par rapport à elles que certains nouveaux objectifs de politique d’innovation apparaissent et que de nouveaux instruments sont sans doute nécessaires.
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