Visions applications jules gonin
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19. août 2025

Hôpital ophtalmique Jules-Gonin

Interview

Visions, une application pour voir autrement

Simuler les troubles de la vue, visualiser le développement de la vision chez l’enfant, sensibiliser les proches et les professionnel·le·s: l’application mobile «Visions», développée par l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, veut rendre la malvoyance plus compréhensible. Alyssia Lohner, cheffe du projet Visions, répond à nos questions.
Competence Muriel Chavaillaz

auteur

Muriel Chavaillaz

Journaliste de Competence pour la Suisse romande et le Tessin

muriel.chavaillaz@hplus.ch

Qu’est-ce qui a motivé la création de Visions?

En 2014 déjà, nous avons mis au point un simulateur qui permettait de visualiser l’évolution des 5 pathologies visuelles les plus courantes, en s’immergeant dans cinq scènes différentes filmées à 360 degrés. Il fonctionne avec un casque VR que nous mettions à disposition lors d’événements ou sensibilisations. Ce dispositif était très apprécié des visiteurs et proches de personnes atteintes dans leur vision. Dix ans plus tard, à l’occasion de notre participation au Festival Planète Santé, nous cherchions comment le remettre au gout du jour, toujours dans un esprit de sensibilisation du grand public à la malvoyance mais surtout, plus accessible et plus proche de la réalité. Nous avons consulté nos collègues de l’Hôpital ophtalmique et nos partenaires et c’est là que l’idée de créer une application pour Smartphone s’est imposée. Nous voulions un dispositif gratuit et transportable facilement.

Cheffe du projet Visions, Alyssia Lohner est également adjointe à la responsable communication pour l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (DR).

Comment avez-vous travaillé pour simuler de manière aussi réaliste les différentes pathologies visuelles ?

Fatima Anaflous, orthoptiste spécialisée au service réadaptation et basse vision de la Fondation Asile des aveugles, a travaillé en binôme avec l’agence de production afin de concevoir des filtres avec une évolution au plus proche de la réalité. Dans un second temps, nous avons présentés ces filtres aux médecins spécialistes de chaque pathologie ainsi qu’à l’équipe des orthoptistes de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.

Il faut garder à l’esprit que cette simulation reste théorique et que la réalité est différente pour chaque personne.

Le simulateur de la vision des enfants est une fonctionnalité très originale. À qui s’adresse-t-il ? Aux parents, aux pédiatres, aux enseignant∙e∙s?

En parallèle de nos activités de sensibilisation à la malvoyance, nous menons depuis plus de 10 ans des actions pour les yeux des enfants: dépistages gratuits, site de prévention et brochures en une dizaine de langues, formation de jeunes étudiant∙e∙s en médecine allant dépister des enfants dans des écoles au Brésil, etc. Dans cet esprit, nous souhaitions montrer aux parents comment voit un enfant avec un développement de la vision sain et normal. Peu de gens savent qu’un enfant n’atteint une vision comparable à celle de l’adulte qu’à 5-7 ans seulement. Du côté des pédiatres, l’application peut leur servir de support pour expliquer la vision de l’enfant à des parents.

En quoi l’application peut-elle devenir un outil didactique pour les professionnel∙le∙s de santé ou les institutions médico-sociales?

Au fil du projet, nous nous sommes rendus compte qu’une application «en live» et qui permette la combinaison de pathologies et de troubles avait de multiples avantages. Il permet à une enseignante spécialisée de mettre en situation un ou une de ses collègues accueillant un enfant malvoyant, par exemple. Où le positionner dans la classe? Faut-il l’approcher du tableau? Est-il trop près des fenêtres et de la lumière? Dans les EMS ou CMS, Visions a également prouvé son utilité. Lorsqu’un médecin doit expliquer à une personne comment son proche voit ou verra, suite à un accident ou une pathologie, etc.

L’application est déjà utilisée dans une formation sur la vision de la personne âgée donnée à près de 1’500 collaboratrices∙teurs des CMS de la région lausannoise par une équipe de notre Fondation.

De quelle façon concrète?

Dans notre EMS, les optométristes et ergothérapeutes sont en train de créer un profil visuel simulé grâce à l’application de tous les résident∙e∙s afin que les les collaboratrices∙teurs, y compris les personnes qui ne sont pas spécialisées dans la vision, puissent s’imaginer comment chaque pensionnaire voit au quotidien. Notre unité mobile composée d’enseignant∙e∙s spécialisé∙e∙s, se déplace dans les crèches de la région afin d’adapter l’environnement à des petits enfants atteints dans leur vision et former les éducateurs∙trices. Nous avons aussi obtenu des retours très positifs lors du récent congrès SIDIIEFF qui a rassemblé toute la profession infirmière francophone du monde à Lausanne.

L’application a déjà été téléchargée plus de 2’000 fois (DR).

L’application est traduite en quatre langues. Est-ce dans une optique de diffusion plus large qu’en Suisse romande uniquement

Oui. Après avoir consulté nos partenaires, nous nous sommes rendus compte de l’importance d’avoir la première version déjà accessible dans toute la Suisse, y compris de l’autre côté de la Sarine. Déjà téléchargée près de 2’000 fois sur Google Play et App Store, Visions a même dépassé les frontières avec des acquisitions en France, en Allemagne, aux États-Unis, au Canada, au Japon ou encore au Koweit.

Dans un esprit de santé publique, nous sommes toujours très heureux de pouvoir proposer des solutions de sensibilisation gratuite également aux populations les plus vulnérables et ne parlant pas forcément français.

Une version professionnelle est en projet. Qu’apportera-t-elle de plus?

La version professionnelle pourra, dans un premier temps, enregistrer des profils de personne directement dans l’application et donc dans le téléphone ou la tablette. Cela permettrait de ne pas devoir recommencer les réglages à chaque ouverture de l’application lorsque nous travaillons avec plusieurs personnes malvoyantes.

Comment le développement de l’application a-t-il été financé?

Il a été financé en partie grâce au précieux soutien de deux fondations privées (le fonds Ingvar Kamprad et Fondation Edmée et Rita Uberti) ainsi que par la Fondation Asile des aveugles.

À terme, imaginez-vous que Visions puisse être intégrée à des consultations médicales?

Visions pourrait dès à présent aider les personnes pour qui un diagnostic a été posé à comprendre comment leur maladie évolue. Elle peut également être utile lorsqu’on doit expliquer à un parent comment son enfant voit. Visions n’a, par contre, pas l’ambition de devenir un dispositif médical à proprement dit. Cela nous éloignerait de notre objectif premier qui est d’accompagner les personnes malvoyantes au mieux dans leur vie quotidienne.

Pour télécharger Visions, rendez-vous dans l’App Store ou sur Google Play.

Photo de titre: Visions a été développée par l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (DR).

   

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