Les cantons avaient jusqu’en juin 2023 pour décider du nombre maximum de spécialistes autorisé·e·s à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie. Le Valais cherche à limiter le nombre de cardiologues et de radiologues, tandis que le Jura a fait savoir qu’aucun plafond en termes d’équivalents plein-temps n’avait été atteint sur son territoire au niveau des spécialistes. Du côté de Vaud, les admissions à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins en neurochirurgie seront limitées alors qu’à Genève, des restrictions dans l’ouverture de cabinets médicaux sont en vigueur depuis octobre 2022.
Le réseau Delta a été fondé en 1992. Il rassemble environ 1000 médecins de premier recours (MPR) et 300000 assuré·e·s. La majorité des Suisse·sse·e ont choisi actuellement ce type d’organisation avec une diminution importante des coûts1. Comment expliquer ce résultat encourageant? Quelle a été l’action spécifique du réseau Delta sur le canton de Genève?
– Pour les spécialistes, il est essentiel d’avoir un diagnostic de certitude, ce qui permet de mettre en œuvre des guides de pratique.
– Pour le MPR, il est impossible de toujours effectuer tous les examens possibles tout le temps sur tout le monde. Il est démontré que la majorité des consultations débouche sur des diagnostics de probabilité2. Cet art de l’évaluation des probabilités se fait généralement de manière intuitive. Par l’exposition répétée à des consultations sous supervision, il construit ce qu’on appelle des scripts3. Il s’agit d’un ensemble d’informations qui permettent de prendre des décisions dans un contexte d’incertitude en faisant «tout ce qui est nécessaire, mais uniquement ce qui est nécessaire».
Le réseau Delta a donc développé un simulateur de consultations médicales4 et des Cercles de Qualité (CQ) innovants avec comme but l’amélioration de ces scripts. Une étude récente5, réalisée sous la supervision du Prof. Omar Kherad, médecin-chef à l’Hôpital de la Tour et portant sur 150000 patient·e·s adultes, démontre que ceci permet de changer les comportements.
Ces patient·e·s représentent 5% des assuré·e·s, mais 50% des coûts. Pour elles et eux, le simple échange informatique entre des intervenant·e·s isolé·e·s n’est pas adéquat. L’équipe de soins doit pouvoir construire des compromis et des valeurs avec la·e patient·e et ses proches6, dans une relation de confiance et de continuité. Le financement actuel d’une organisation technocratique en silos (hôpitaux, soins à domicile, soignant·e·s) rend ceci très difficile.
Delta met le MPR au centre de l’organisation et cherche des solutions pour permettre la coordination d’une équipe de soins stable dans une approche holistique. Les premières expériences démontrent qu’il est possible de diminuer ainsi sensiblement les coûts et d’améliorer la qualité7.
1«La médecine non coordonnée a des inconvénients pour la santé et pour les finances», février 2023, curafutura.ch
2Raetzo, «Identité du médecin de premier recours et qualité en médecine ambulatoire», 2011, Revue Médicale Suisse
3Charlin et van der Vleuten, «Standardized Assessment of Reasoning in Contexts of Uncertainty: The Script Concordance Approach», 2004
4www.sim-vips.ch
5«Physician Assessment and Feedback During Quality Circleto Reduce Low-Value Services in Outpatients: a Pre-Post Quality Improvement Study», 2021
6Pearl et Madvig «Managing the Most Expensive Patients», 2020, Harward Business Review
7Perrier, Bushel, Vallet et Sommer, «Collaboration dans les soins à domicile: un réseau interprofessionnel ambulatoire de proximité», 2023, Revue Médicale Suisse. Perone, Gillabert, Van Leemput, Meynard, Vilao, Junod Perron et Haller, «Projet pilote de maison de santé à Genève», 2023. Revue Médicale Suisse
Illustration de titre: Réseau Delta Genève