Le titre de cet article comprend deux termes importants, soit «qualité et logistique». La «qualité» doit être comprise comme totale, transversale et globale, intra et inter-établissements et centrée sur les patient·e·s. Le terme «logistique» est aujourd’hui réducteur dans sa portée, généralement liée à l’établissement. Il serait préférable d’utiliser l’expression «Supply Chain» qui représente l’ensemble des liens et ressources de tous·tes les partenaires lié·e·s au réseau de valeur du produit ou du service utile.
Le «Supply Chain Management» peut être défini comme la gestion globale et transversale de l’ensemble des flux (matières et informations sous contrainte, généralement, des flux financiers) et ressources du réseau de valeur du produit ou du service, soit de la matière première au client final et aujourd’hui au-delà, en intégrant, dans une démarche de durabilité, le recyclage et la destruction, tout ou partie, du produit.
Il s’agit ainsi, de manière systémique, de passer d’une logique locale d’activités à une approche par flux, impliquant alors une description de processus, soit la dynamique d’un ensemble d’activités à valeurs ajoutées positives (principe du «Lean Management») conduisant à un but commun. Ces processus intègrent les logiques intra-entreprises mais également, dans une vision systémique globale, celles inter-entreprises (réseau global de valeur). Ainsi, toute optimisation ou amélioration doit être d’abord envisagée de manière globale avant toute action locale («think global, act local»). En effet, l’optimisation d’un sous-système conduit généralement à la sous-optimisation du système.
L’approche par processus est ainsi nécessaire pour modéliser la complexité naturelle du système en éliminant la complication artificielle, soit la redondance, l’inadaptation et la faible valeur ajoutée de certaines activités (base du «Lean management»). Cette complication est due souvent à l’histoire et à l’évolution de l’organisation sans remise en question des processus de base, voire en ignorant la notion même de processus.
Le pilotage et la synchronisation des flux doit pouvoir s’appuyer sur un système d’information unique, homogène, cohérent et partagé. Les deux enjeux majeurs de toute «Supply Chain» sont le «Digital» (système d’information et moyens techniques de l’enrichir et de restituer les données) et la «Durabilité» (avec une dimension environnementale et d’équité).
Aujourd’hui, les domaines de la santé, toutes organisations confondues, sont encore trop centrés sur les activités en ignorant les processus et donc les flux. Il y a bien, dans certains domaines, une prise de conscience de l’intérêt de l’approche par flux (circuit de la·du patient·e et du médicament) mais qui reste encore très peu développée et généralement confinée à l’établissement sans vision systémique du réseau de soins.
Le «Digital» est ainsi peu développé et centré sur l’établissement. Il y a bien, en médecine, des réalisations digitales très performantes mais qui restent ponctuelles. Une récente étude («How digitally advanced is your sector?», McKinsey) a montré que le domaine de la santé est en queue de liste des secteurs en matière de digitalisation.
Il faut ainsi repenser globalement les flux des patient·e·s, des ressources et des informations, de la naissance jusqu’à la mort de chaque individu, intra et inter-établissements et prestataires de soins. Le dossier patient·e unique et informatisé constitue un élément nécessaire à cette évolution. Il n’est encore, malheureusement, pas suffisamment avancé et développé. Des décisions politiques fortes et coordonnées doivent être impérativement prises, au sein d’un même pays mais également, idéalement, à l’international.
De nombreuses expériences ont montré l’intérêt d’appliquer les méthodes d’optimisation appliquées couramment dans le «Supply Chain Management» aux domaines de la santé («Lean management», simulation numérique, recherche opérationnelle, analyse par processus, intelligence artificielle, internet des objets,…).
La·e patient·e, client·e et «produit» (au sens des flux physiques) de la «Health Supply Chain» doit être le centre de toute préoccupation de gestion et de pilotage de systèmes de soins. L’approche globale par processus optimisés, en et hors établissements de soins, constitue la condition absolue à toute amélioration de la qualité des soins, tout en réduisant les coûts de la santé, ainsi que les risques.
Les applications digitales doivent ainsi être globalisées et intensifiées en intégrant les développements technologiques actuels, offrant la possibilité de fiabiliser et d’automatiser certaines tâches fastidieuses et répétitives, permettant alors au personnel de soins de se recentrer sur son cœur de métier, soit les soins aux patient·e·s, en éliminant les activités redondantes et/ ou à valeur ajoutée nulle, donc coûteuses.
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