Pour faire partie des meilleurs du monde, il faut apprendre plus vite que les autres, non pas en tant qu’individu, mais en tant qu’organisation. En effet, les organisations apprennent beaucoup plus lentement que les individus. Comme tout ce qui est appris ne profite pas à l’organisation, le processus d’apprentissage organisationnel doit être bien organisé et focalisé. À la Mayo Clinic, cela se fait par le biais de processus d’amélioration garantis par des comités (plus de 30). Une organisation matricielle régit l’interaction entre les expertises. La méthodologie utilisée pour accélérer l’apprentissage est le cycle PDCA, issu du monde Lean. Il en résulte des standards dont certains sont diffusés dans le monde entier.
Le mantra de la Mayo Clinic est le suivant: les besoins du·de la patient·e passent toujours en premier. Les facteurs de réussite sont: (1) l’établissement d’une relation de confiance inégalée avec les patient·e·s, (2) une culture de collaboration d’égal à égal grâce au concept général de «teamwork» et (3) la passion de s’améliorer en permanence tout en prêtant attention aux détails. Bien que la Mayo Clinic soit une organisation «physician led», la gestion économique et les soins sont intégrés dans les processus de décision. Les employé·e·s travaillent en binôme ou en trinôme pour atteindre un objectif commun et prennent généralement leurs décisions par consensus.
Dans son quotidien, la Mayo Clinic se concentre sur la valeur ajoutée pour la·le patient·e. Mais de quoi se compose cette valeur ajoutée et comment la mesure-t-on? Dans le monde de la Mayo Clinic, la formule d’évaluation de la performance se compose de quatre dimensions. Les trois premières définissent la valeur et elles doivent être prises en compte avec un poids égal.
Si l’application n’est pas sûre, les efforts de l’équipe soignante sont réduits à néant. Un nombre important de patient·e·s subissent des dommages pendant leur séjour à l’hôpital. De plus, les collaborateurs·trices ne sont pas suffisamment protégé·e·s dans leur travail. La sécurité est considérée de manière très large. La boussole – «the true north» – est réglée sur ZÉRO préjudice. True north signifie concrètement: pas d’infections contractées à l’hôpital, pas de chutes, pas de dommages causés aux collaborateurs·trices par une surcharge émotionnelle ou physique, etc.
Les patient·e·s et les médecins traitants choisissent la Mayo Clinic parce qu’elles et ils espèrent que la Mayo Clinic et ses équipes de soins tiendront leur promesse de guérison et de soulagement. Se rendre à Rochester est souvent le dernier espoir. La question est de savoir si l’on mérite cette confiance. Cela doit être prouvé au quotidien. On le fait vis-à-vis de l’extérieur en prouvant la qualité par des mesures d’outcome.
«The needs of the patient always come first» semble courageux et n’est guère compris en Suisse. L’expérience des patient·e·s est la dimension la plus négligée de la «Value for the Patient». On croit souvent que les collaborateurs·trices doivent d’abord se sentir bien et que les patient·e·s en profiteront ensuite comme par enchantement. L’influence de l’expérience des malades sur le succès du traitement est considérable. Considérer les patient·e·s comme des co-producteurs·trices de santé est une constatation importante.
La performance finalement est mesurée en mettant en relation la «valeur», c’est-à-dire les trois premières dimensions, avec les coûts. Ce n’est pas un hasard si, à la Mayo Clinic, on ne parle pas de coûts mais d’«affordability», c’est-à-dire de la question de savoir si les patient·e·s peuvent se permettre le traitement. Assumer cette responsabilité est une question éthique qui doit nous interpeller à tous les niveaux.
Les expert·e·s en sécurité des patient·e·s estiment que les coûts liés aux erreurs et aux insécurités représentent environ 30% des coûts totaux d’un hôpital. L’amélioration de l’expérience des patient·e·s a un impact direct sur le succès du traitement et sur les coûts. Les réadmissions et les complications sont réduites. Des études montrent qu’une expérience supérieure des patient·e·s est en corrélation avec une rentabilité élevée.
Tout cela est-il transposable à la Suisse? La médecine moderne est devenue une communauté de personnes engagées qui s’efforcent de guérir et de réduire la souffrance humaine. Et cela à l’échelle mondiale. Les méthodes sont partout les mêmes. Il est dans l’intérêt des patient·e·s et de tous·tes celles et ceux qui les soignent d’accélérer l’apprentissage des organisations de santé sur le modèle de la Mayo Clinic.
Cet article a également été rédigé par le Prof. Dr méd. Guy Haller, chef du service qualité des soins aux HUG.
La délégation suisse en visite à Rochester, de gauche à droite: Jacques Bernier (Genève); Daniel Joseph Walker (St-Gall, Zurich); Guy Haller (Genève); Vital Schreiber (Uster); Stefan Huber-Wagner (Schwäbisch Hall); David Goldblum (Olten, Bâle); Christoph Schänzle (Olten); Pietro Cippà (Lugano) et Thomas A. Neff (Münsterlingen, Frauenfeld) (Photo: walkerproject ag 2022).