Une étude suisse datant de 2022 affirme qu’une infirmière sur trois est victime de violences graves durant son activité au sein d’une structure stationnaire de psychiatrie. Ces mêmes auteurs·trices relatent que les stratégies de protection établies dans les établissements psychiatriques n’offrent qu’une efficacité limitée pour protéger le personnel soignant des agressions1. Au sein du Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM), un groupe de travail multidisciplinaire a repensé la gestion et le management des agressions comme un processus multidimensionnel.
Le processus est catégorisé en quatre étapes majeures dans un mouvement circulaire. Chacune d’elles regroupe un ensemble d’actions pour répondre au phénomène de l’agression en psychiatrie. La démarche apporte au management des agressions une vision systémique permettant de clarifier les rôles et les tâches des différents acteurs concernés de l’institution: infirmière, administration, psychiatre, chargé·e de sécurité, service de sécurité.
L’ensemble des collaborateurs·trices est formé à la gestion de l’agressivité. Une formation de base de quatre jours est donnée quatre fois par année. Elle est composée de deux modules. Le module 1 aborde les techniques de désescalade (méthode RADAR®) et le module 2 enseigne une technique d’équipe permettant le maintien ferme des patient·e·s agité·e·s (CFB®). Six séances de rappel de la technique d’équipe sont proposées par année à l’ensemble des collaborateurs·trices ayant suivi la formation initiale. Elles et ils sont tenus de maintenir leurs compétences à jour et doivent au minimum participer à une séance de rappel par an. De plus, une formation a spécifiquement été créée afin de sensibiliser les non-professionnel·le·s de la santé à la maladie mentale. Elle permet également d’accompagner une réflexion sur les impacts de leurs attitudes quant aux conduites agressives des patient·e·s.
Ainsi un suivi systématique est instauré. De plus, des procédures permettant d’améliorer la communication intra-muros sur l’utilisation de ces outils ont été diffusées. En 2023-2024, une réflexion approfondie va être menée concernant l’extension temporelle des prestations de soutien du service de sécurité aux unités de soins ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail des femmes enceintes au sein des unités hospitalières.
Parfois, il est nécessaire que les équipes soignantes soient soutenues par la présence de la police. Dans certaines situations graves, le lead de l’intervention est entièrement confié au binôme de policiers·cières. Cela est notamment le cas lors de conduites hautement agressives des patient·e·s en crise psychique aiguë et lors de détention d’armes blanches. La gestion de ces situations singulières nécessite une collaboration étroite.
Une étude qualitative a été menée par le RFSM afin d’explorer la collaboration entre les soignant·e·s et la police lors d’interventions conjointes auprès de patient·e·s en crise psychique aiguë. Suite à cette étude, des formations conjointes ont été instaurées et des procédures de collaboration ont été établies.
Suite à une agression, l’enjeu est de soutenir les collaborateurs·trices dans leur santé mais également de continuer à réfléchir et perfectionner les pratiques cliniques. Si une personne est blessée et/ou choquée suite à un tel événement, elle est identifiée au travers d’une annonce d’incident via le logiciel SOAS-ReAct. Nous avons instauré, sous forme de Case management, un accompagnement individualisé des personnes blessées (psychique et physique).
Les différentes offres de soutien ainsi que les instances internes/externes au RFSM mobilisables sont répertoriées sur un flyer. Ce dernier est distribué à l’ensemble du personnel lors des journées d’introduction. Il est également accessible aux collaborateurs·trices déjà en fonction.
Nous souhaitons instaurer une systématique quant aux révisions des bonnes pratiques cliniques des équipes médico-infirmières suite à un événement agressif grave. Nous avons convenu d’une procédure répertoriant les modalités, le déroulement et les objectifs d’un débriefing technique sous forme de catamnèse. Dans le même ordre d’idées, la «Commission évènement grave» (CEG), constituée des directions médico-infirmières et de la juriste de l’hôpital, vise à porter un regard croisé sur les évènements ayant notamment porté atteinte à la santé physique/psychique/morale d’un·e patient·e, d’un·e tiers ou d’un·e soignant·e, par exemple lors d’une agression ou lors du suicide d’un·e patient·e.
Cet article a été co-écrit en collaboration avec Muriel Fiaux (chargée de sécurité), Nathalie Favre (lic. iur, secrétaire générale), Joël Cavin (responsable RH), Rafik Bouzegaou (médecin adjoint), Jean-Marc Tinguely (responsable du service de sécurité) et Sandra Pellet (coordinatrice EMUPS).
1Schlup N, Gehri B, Simon M. Prevalence and severity of verbal, physical, and sexual inpatient violence against nurses in Swiss psychiatric hospitals and associated nurse-related characteristics: Cross-sectional multicentre study. Int J Ment Health Nurs. 2021;30(6):1550 63
Photo de titre: Charday Penn via Canva.com