
Le Dr Serge Mertens, psychiatre et psychothérapeute d’origine belge, dirige aujourd’hui le Centre Médico-Psychiatrique (CMP) du canton du Jura. Il a exercé en Belgique, notamment comme expert au Conseil supérieur de la santé, et a dirigé le centre neuro-psychiatrique St-Martin à Namur. Installé désormais à Delémont, il mesure chaque jour les tensions croissantes qui traversent son domaine. «La crise en psychiatrie est bien réelle. Le recrutement de pédopsychiatres est extrêmement problématique. Les universités n’en forment pas assez, alors que les institutions en ont toutes urgemment besoin», explique-t-il.
Institution publique, le CMP offre des soins psychiatriques pour les adultes et les enfants sur l’ensemble du territoire cantonal. Il gère un hôpital de jour à Delémont pour les adultes, à Porrentruy pour les enfants, et intervient également dans les prisons cantonales. Un service de piquet, au sein de l’hôpital du Jura,complète ce maillage.

Pour répondre à la détresse psychique des jeunes, une équipe mobile sera mise sur pied en septembre 2025. Elle se rendra dans les écoles, les institutions, ou encore au sein des familles. «Le but est de désamorcer des situations avant qu’elles ne deviennent critiques, de prévenir plutôt que de soigner dans l’urgence», souligne Serge Mertens. Mieux connaître le contexte familial et social de la·du patient·e est un atout essentiel pour une prise en charge efficace.
Le canton du Jura ne dispose d’aucune unité pour accueillir les patient·e·s en hospitalisation stationnaire. Un manque criant, notamment pour les adolescent·e·s. «Les longs trajets vers d’autres cantons ne sont pas idéaux en cas de crise», déplore l’expert.
En ce qui concerne les enfants et les adolescents, le CMP collabore bien avec le service de pédiatrie de l’Hôpital du Jura, mais les professionnel·le·s sur place ne sont pas spécialisé·e·s en psychiatrie. «Cela peut dépanner ponctuellement, mais ce n’est pas une solution durable.» Pour ce qu’il en est des patients adultes nous avons une bonne collaboration avec le service de psychiatrie adulte à l’hôpital de Moutier. L’arrivée de Moutier dans le canton, en 2026, pourrait changer la donne.
Pour les adultes, le CMP a récemment pu renforcer son équipe de médecins-psychiatres, notamment grâce à la certification de formation ISFM. «Cela nous permet d’accueillir des jeunes assistant·e·s en formation. C’est aussi une manière de les séduire, de leur montrer à quel point la qualité de travail et de vie ici est incomparable », sourit le médecin.
«La recherche a démontré l’efficacité de l’eskétamine dans certains cas. Nous allons mettre en place un protocole pour proposer ce traitement novateur», annonce-t-il.
Comme de nombreuses·eux professionnel·le·s, Serge Mertens s’inquiète de l’augmentation constante des tâches administratives: «Pour certain·e·s, le temps passé à remplir des rapports et répondre aux assureurs dépasse celui consacré aux patient·e·s. Ce n’est plus tenable.» Il plaide pour un système allégé, qui redonne la priorité au soin et à la relation humaine.
Malgré ces nombreux défis de taille, le psychiatre reste optimiste: «De plus en plus de gens osent consulter. C’est un signe encourageant, cela montre que la perception de la santé mentale évolue dans notre société. » Mais il rappelle aussi que la psychiatrie reste une discipline parfois mal comprise.
Ce ne sont pas des maladies visibles. On ne peut pas les objectiver comme une fracture ou une appendicite. C’est une science de l’humain.
Dr Serge Mertens, psychiatre et psychothérapeute, directeur du Centre Médico-Psychiatrique (CMP)
C’est d’ailleurs dans cette logique que le canton du Jura a instauré une journée dédiée à la santé mentale, rassemblant tous·toutes les acteur·rice·s concerné·e·s. «Cela permet de mieux se connaître et de mieux collaborer. Le travail en réseau est fondamental dans notre domaine», affirme le directeur. Car au-delà des diagnostics et des traitements, c’est tout un tissu de relations humaines, de confiance et d’écoute qu’il s’agit de construire.
Photo de titre: A Delémont, le Centre Médico-Psychiatrique (CMP) dispose d’un hôpital de jour pour adultes. Un établissement similaire destiné aux enfants est en place à Porrentruy (crédit photo: DR).