Pensé depuis 2018, mis en place en 2021, le module «Prévention et gestion de la violence et de l’agressivité dans les soins» se déroule sur trois jours complets, en troisième année de la formation Bachelor de la Haute école de santé Fribourg (HEdS-FR). Pour Catherine Senn-Dubey, co-doyenne de la filière HES en soins infirmiers, cette formation est essentielle: «La thématique de la violence traverse tout le cursus infirmier, que ce soit dans les modules consacrés à la pédiatrie, la gériatrie, la santé mentale, etc. Mais il était important de procéder à un arrêt sur image, de donner un espace encore plus important à cet enjeu fondamental.»
Trois grandes thématiques sont abordées: les violences perpétrées par les patient·e·s et leurs proches, la violence domestique et la violence horizontale (entre collègues, supérieurs hiérarchiques, etc.) «Pour chacun de ces secteurs, on débute par une partie théorique, suivie d’ateliers pratiques, de simulations, de jeux de rôles et d’analyses de vidéos», détaille Marie Charrière-Mondoux, infirmière MScSI, maître d’enseignement HES et co-responsable du module.
«Ce module est riche d’expériences et d’expertises, note Claire Coloni-Terrapon, infirmière MScSI, maître d’enseignement HES et également co-responsable de la formation. De plus, nous avons toutes et tous été formé·e·s pour pouvoir enseigner des techniques de désengagement sans se faire mal et sans blesser la·le patient·e. Nous continuons de le faire en organisant des refreshs annuels avec l’aide d’une instructrice de Krav Maga. Cela permet de démontrer aux étudiant·e·s qu’il est possible de le faire, même si l’on n’est pas adepte de sport de combat ou si la personne en face de nous pèse le double de notre poids. C’est très rassurant pour elles et eux.»
Le retour des étudiant·e·s est très positif, le module a beaucoup de succès. «Elles et ils y voient de l’intérêt, y trouvent beaucoup de sens, poursuit la spécialiste. Cela leur apporte des outils concrets et leur permet de prendre conscience de certains comportements observés qui ne sont pas acceptables.» La Haute école est attentive au fait que cette formation peut aussi toutes et tous les affecter. «La visée est professionnelle, mais avec cet enseignement, on touche forcément au personnel, abonde Catherine Senn-Dubey. Tout un accompagnement a été mis en place pour soutenir les personnes plus vulnérables.»
«Notre société change, on dénonce davantage: la violence, notamment lorsqu’elle émane des patient·e·s, est devenue inacceptable, poursuit la co-doyenne. Mais on sous-estime encore toute la violence verbale et psychologique entre pair·e·s. À mon sens, c’est l’un des facteurs qui fait que de nombreuses·eux infirmiers·ères ne restent pas dans la filière.» Les étudiant·e·s expérimentent malheureusement déjà fréquemment ces phénomènes lors de leurs stages en milieu hospitalier.
Grâce au module, nous espérons diminuer la violence dans les soins et réduire les violences subies par nos étudiant·e·s, qu’elles et ils puissent aussi agir lorsqu’elles et ils sont témoins.
Marie Charrière-Mondoux, infirmière MScSI, maître d’enseignement HES
«Souvent, elles et ils ne sont pas conscient·e·s qu’il s’agit de violence. Nous donnons aussi de précieux outils aux futur· e·s soignant·e·s pour agir lorsqu’elles et ils observent de la violence perpétrée sur un enfant ou une femme.»
Dans sa lutte contre tous types de violences, la HEdS-FR poursuit son engagement en finançant une étude pilote baptisée VIESI. Cette dernière se consacre aux expériences de violences (physiques, sexuelles ou non-physiques) des étudiant·e·s en soins infirmiers durant leurs stages. Après avoir envoyé un questionnaire à tous·toutes les futur·e·s infirmiers·ères, Claire Coloni-Terrapon et Marie Charrière-Mondoux ainsi que Bekim Mehmetaj (infirmier MScSI, maître d’enseignement HES) rencontrent un certain nombre d’étudiant·e·s pour explorer davantage ces expériences négatives. «La troisième étape sera l’occasion d’inviter des expert·e·s issu·e·s de différents contextes de soins pour réfléchir aux façons d’améliorer les dispositifs», expliquent-elles. Les résultats, attendus pour février 2025, permettront à chaque établissement de soins de se rendre compte de l’ampleur du phénomène et de prendre les mesures qui s’imposent, en mettant notamment en place des structures pour prévenir et identifier les actes de violence, et pour soutenir les victimes comme les oppresseurs. «Dans toutes les institutions, on sent une volonté de participer à cette réflexion», conclut Claire Coloni-Terrapon.
Formation continue en gestion de la violence
Une formation continue consacrée au développement de compétences en désescalade sera donné par la HEdS-FR le 11 septembre 2024. Pour les inscriptions et davantage d’informations, rendez-vous sur le site heds-fr.ch.
Photo de titre: (de gauche à droite) Claire Coloni-Terrapon, Catherine Senn-Dubey et Marie Charrière-Mondoux (crédit photo: Hélène Tobler).