Competence Readtime5 min
30. juin 2022

Analyses de laboratoires

H+ et la FAMH réagissent

Des réductions de coûts inadéquates et inefficaces

La décision du Conseil fédéral de réduire de 10% les tarifs des analyses de laboratoire à partir du 1er août met les hôpitaux et l'ensemble du secteur des laboratoires face à d'énormes défis.

En dépit du projet d’adaptation tarifaire déjà en cours (transAL2), la diminution linéaire des tarifs a été imposée politiquement de manière précipitée (voir l’article du 14 juin). De plus, le contre-projet indirect à l’initiative sur le frein aux coûts vise à restreindre davantage l’offre de prestations des laboratoires. De telles mesures unilatérales sont non seulement inefficaces, mais également nuisibles aux soins de santé et à la qualité. En même temps, elles mettent en danger la stabilité des laboratoires hospitaliers et privés. Tels sont les arguments de l’Association des laboratoires médicaux de Suisse (FAMH) et de H+ Les Hôpitaux de Suisse, qui demandent donc l’annulation de la réduction des tarifs ainsi que la suppression de la liberté de contracter entre les laboratoires et les caisses prévue dans le contre-projet indirect.

Le diagnostic de laboratoire, central et irremplaçable

Le diagnostic de laboratoire est un élément central et irremplaçable du système de santé suisse. Les analyses de laboratoire peuvent détecter certaines maladies à un stade précoce, améliorant ainsi les chances de guérison de nombreux patients. La pandémie de Covid-19 a mis en exergue l’importance des laboratoires dans un contexte de crise sanitaire. Dans bien des cas, un diagnostic précis n’est possible qu’en s’appuyant sur des analyses de laboratoire. Elles permettent aux médecins de mettre en œuvre les bons traitements de manière ciblée, améliorant ainsi le bien-être des patients, mais elles permettent aussi de faire des économies.

Si 70% des décisions médicales reposent sur des analyses de laboratoire, ces dernières ne représentent que 2,8% du coût total des soins de santé.

Prof. Dr. Nicolas Vuilleumier, président de la FAMH


Le tarif de transition remet tout en question

La vérification de la tarification actuelle des analyses de laboratoire est en cours depuis plusieurs années avec le projet « transAL2 » lancé par l’OFSP. Le secteur des laboratoires a soutenu ce projet dès le début et mis à disposition de l’OFSP les données requises. Ce projet a cependant pris du retard étant donné que l’OFSP a dû se concentrer sur la lutte contre la pandémie de coronavirus au cours des deux années et demie qui viennent de s’écouler. Il faut noter que pendant cette période, les laboratoires ont réalisé de gros investissements dans des appareils et dans du personnel, afin de pouvoir assumer leur rôle clé dans l’endiguement de la pandémie. Il est donc d’autant plus fâcheux de constater que l’on souhaite maintenant les pénaliser pour ce retard. La part des coûts de laboratoire sur l’ensemble des coûts de santé est constante depuis plusieurs années et les coûts par habitant au sein de l’AOS ont même légèrement diminué ces vingt dernières années. Cela n’a rien d’étonnant, étant donné que les analyses de laboratoire ne peuvent être facturées via l’AOS que sur prescription médicale. La nécessité d’une diminution linéaire des tarifs dans un délai aussi court ne s’explique pas et ne peut être
attribuée qu’à une volonté politique précipitée.

Rapidité et qualité menacées

Les conséquences seront énormes pour les laboratoires hospitaliers et privés, mais aussi pour les patients. Les laboratoires auront du mal à garantir la même rapidité et la même qualité d’analyse. Une baisse soudaine des tarifs ne conduira pas seulement à ce que les analyses de laboratoire ne pourront plus être effectuées de manière rentable, mais cela mettra en péril des emplois et la structure de soins décentralisée. « Nous ne pourrons pas mettre en œuvre les baisses soudaines de tarifs sans prendre quelques décisions difficiles », explique Martin Schlatter, CCO du groupe Unilabs. C’est précisément dans les hôpitaux déjà sous-financés que la situation financière s’aggravera encore.

Avec le coup de rabot sur les tarifs des laboratoires, c’est l’un des derniers domaines hospitaliers encore suffisamment financés qui est sacrifié.

Kristian Schneider, membre du comité de H+ et CEO du Centre hospitalier Bienne.

Perte de compétitivité internationale

En comparaison internationale, la Suisse perdra également en compétitivité. En comparaison internationale, la Suisse perdra également en compétitivité. « Dans le domaine des analyses de laboratoire très spécialisées, nous assisterons à une diminution du nombre de fournisseurs, et certaines analyses ne seront même plus proposées en Suisse », fait remarquer la Prof. Dr. Katharina Rentsch, responsable de la médecine de laboratoire et de la chimie clinique à l’Hôpital universitaire de Bâle. La FAMH et H+ invitent donc le Conseil fédéral à attendre les résultats du processus « transAL2 » et à annuler sa décision relative au tarif transitoire.

Une fausse bonne idée

Le contre-projet à l’initiative pour le frein aux coûts adopté par le Conseil national prévoit, avec le nouvel art. 37a de la LAMal, la suppression de l’obligation de contracter pour les laboratoires. Cela signifie que les laboratoires ne pourraient facturer leurs analyses via l’AOS que s’ils disposent d’un contrat avec l’assureur en question dans leur canton. Avec une telle disposition, les assureurs auraient un pouvoir de négociation déséquilibré et la marge de manœuvre des laboratoires serait encore davantage affaiblie. Il y aurait alors une menace de guerre des prix entre les différents laboratoires, ce qui serait préjudiciable pour la structure des laboratoires suisses. Les petits laboratoires situés dans les régions périphériques et montagneuses seraient particulièrement désavantagés. « Pas cher ne signifie pas économique. Les coûts liés à des résultats qui ne seraient pas obtenus à temps sont imprévisibles », déclare Dr. Dieter Burki, membre du comité de la FAMH. Cette disposition entraînerait également un surcroît de travail déraisonnable pour les médecins. En effet, ces derniers devraient vérifier pour chaque patient s’il existe un contrat entre le laboratoire et l’assureur. Compte tenu du fait que l’art. 37a LAMal ne prévoit aucune limitation en ce qui concerne le volume de prescription, certaines analyses seraient réalisées à la place dans les laboratoires de cabinets médicaux, qui ne sont pas concernés par la suppression de l’obligation de contracter. On peut donc se demander si cette mesure aura véritablement un impact sur les coûts de santé. Une chose est sûre : les laboratoires et l’intégralité du système de santé seront encore plus affaiblis, au détriment des patientes et des patients. La FAMH et H+ demandent donc au Conseil des États la suppression pure et simple de l’art. 37a LAMal du contre-projet indirect à l’initiative pour le frein aux coûts.


Photo de titre: Chamot

   

Suivez les actualités avec notre Newsletter.