Début octobre, le 14e Symposium de REHA TICINO s’est attaqué au thème de «La planification hospitalière, entre stationnaire et ambulatoire: au bénéfice ou aux frais des patients?» En ouverture, le conseiller d’Etat tessinois Raffaele De Rosa a souligné la nécessité d’une vision d’ensemble cohérente des traitements, qui demande transparence et coopération entre les acteurs de la santé. Et si le Tessin, comme de nombreux cantons, s’aligne sur le modèle de planification zurichois, il doit continuer à le faire de façon flexible pour l’adapter aux réalités régionales.
Son homologue thurgovien Urs Martin a mis le doigt sur la délicate question des conflits d’intérêts entre cantons. Grand importateur de patients en réadaptation stationnaire, le canton de Thurgovie voit sa politique de planification contestée par son voisin zurichois: «Le compromis passera très probablement par une décision du Tribunal fédéral», a-t-il conclu, tout en soulignant la nécessité de développer le secteur ambulatoire.
Alors que la structure tarifaire ST Reha se met en place pour le domaine stationnaire, Wolfram Strüwe, au nom de l’assurance maladie Helsana, s’est dit compréhensif: «Une structure tarifaire unitaire permet de créer une certaine transparence et de comparer les prestations. Mais la transition doit se faire en douceur et la communauté d’achat HSK a décidé pour cette raison de ne pas faire de benchmarking à ce stade. La fixation de prix avec un indice de référence n’est pas pertinente pour le moment.» Pour le développement du secteur ambulatoire, il regrette que le Conseil fédéral ait reporté sa décision sur la proposition de structure tarifaire TARDOC et espère que H+ rejoindra ce projet «avant l’intervention du politique.»
Le Prof. Ueli Kieser a apporté le point de vue du juriste. La définition de base de la réadaptation étant plutôt sommaire dans la LAMal, il faut se référer aux arrêts du tribunal fédéral pour clarifier certains points cruciaux comme la délimitation entre le traitement de soins aigus et la réadaptation ou entre les traitements stationnaires et ambulatoires. «Mettre en œuvre cette jurisprudence est nécessaire pour appliquer des critères clairs et permettre une rémunération adéquate», a-t-il conclu.
Modérateur des débats et président de Swiss Reha, Willy Oggier n’a pas hésité à accuser les quatre derniers ministres de la Santé, tous Romands, d’avoir traîné les pieds dans la définition de la réadaptation pour éviter les problèmes avec les cantons de Suisse occidentale.
«Les efforts de planification ont été faits en Suisse orientale. Mais le mode de financement empêche le développement des parcours de soins, et il est dû à un manque de définition claire de la réadaptation. Il faudrait une ordonnance pour clarifier la notion de réadaptation et ses limites. Car la réadaptation ne doit pas être confondue avec des structures sociales ni avec de la physiothérapie… Elle doit être un processus interdisciplinaire suivi par un médecin.»
«Sans financement uniforme des prestations stationnaires et ambulatoires, il sera difficile de faire de grandes innovations.»
Sandro Foiada
Le Dr Christopher Marti a mis évidence l’importance de la planification de l’offre, de la prise en charge interdisciplinaire et coordonnée des patients et de l’organisation de parcours de soins conformes aux lignes directrices nationales et internationales. Quant à la CEO du groupe VAMED en Suisse, Vincenza Trivigno, elle a présenté l’ambition de son groupe de couvrir toute la chaîne de traitement, de la prévention au suivi à domicile, «même si les régulations actuelles ne sont pas favorables à l’innovation et à l’intérêt des patients».
Sandro Foiada, directeur de la Clinica Hildebrand Centro di riabilitazione Brissago, a enchaîné : «REHA TICINO a mis en place un modèle pionnier de structuration du parcours du patient et de collaboration entre hôpitaux et cliniques privées mais, aujourd’hui, les tarifs et le mode de financement par les assureurs et les cantons freinent l’innovation. La planification stationnaire est bien définie et la structure tarifaire ST Reha entrera en vigueur en janvier prochain. Mais la planification ambulatoire est loin de ces objectifs et j’espère que les acteurs se mettront d’accord avant l’intervention du politique… Nous essayons depuis des années de développer des cliniques de jour, mais nous ne parvenons pas à les faire fonctionner de façon rentable avec les tarifs actuels. Sans financement uniforme des prestations stationnaires et ambulatoires, il sera difficile de faire de grandes innovations», a-t-il souligné en appelant à introduire des critères pour le secteur semi-stationnaire qui soient applicables par tous les assureurs.
Au cours de la table ronde qui a conclu la journée, Verena Nold, directrice de santésuisse, a plaidé pour l’instauration de trois piliers dans le domaine de la réadaptation: le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires, les forfaits par cas dans l’ambulatoire comme dans le stationnaire, et des critères de qualité identiques pour le stationnaire et l’ambulatoire. «Pourquoi ne pas envisager une planification liée au parcours du patient plutôt que par lits d’hospitalisation?» a même suggéré Nicola Mathis, directeur de la clinique de réhabilitation de l’EOC et coordinateur de REHA TICINO tout en déplorant le standby actuel.